Retour sur | 24 heures dans une cellule

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2015_Pour une politique pénitentiaire plus juste et efficace !

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Du mercredi 13 mai à 10h30 au jeudi 14 mai à 10h30, Joanne, Rodrigue et Michaël, 3 membres d’écolo j ont passé 24h dans une cellule de prison reconstituée sur la Place Verte à Huy. Une journée pour sensibiliser à la vie carcérale et pour apporter des pistes d’amélioration. Voici les impressions de cette expérience sous la plume de Joanne.

Mercredi 14h00: Premières impressions

Nous sommes enfermés depuis 3h. Plusieurs journalistes nous ont rendu visite ce matin. De nombreux passants ce sont arrêtés. Parmi eux, des jeunes et des moins jeunes, et même d’anciens détenus, attestant de la réalité de notre reconstitution. Les avis sont partagés, parfois tranchés. Mais c’est surtout la curiosité qui domine. Et l’objectif de susciter le débat est en tout cas largement atteint. En réalité ou sur les réseaux sociaux, les commentaires ont nombreux. Nous ne résistons pas à  l’envie de vous faire partager celui-ci, écrit par Robert ce matin : « Alors imaginez… Imaginez qu’avant d’arriver là , vous avez affronté le regard de vos parents, de vos enfants, de vos frères, de vos sœurs… Imaginez que vous avez posé un acte condamnable sous le coup de la passion ou après avoir bu un verre de trop… Cet acte, vous le revivez chaque fois que vous fermez les yeux. Vous avez dû le raconter 100 fois. Vous arrivez à  la prison. On vous fouille… On vous remet un matelas. On vous accompagne jusqu’à  votre cellule. Chaque porte que vous franchissez est refermée dans un bruit sourd. Vous entrez dans cette cellule et… non, ce ne sont pas Rodrigue et Jo qui sont là … Non, ce sont des types que vous ne connaissez ni d’Eve ni d’Adam, dont vous ignorez le curriculum… Qui vous toisent quand vous entrez… Vous tentez d’entamer la conversation… Ils font mine de ne pas vous voir… Vous trouvez votre lit et y déposez votre matelas. Non… Vous ne sortirez pas dans 24 h… ».

Les premières privations, les débats et les rencontres nous confortent en tout cas dans l’idée que la problématique carcérale est un sujet éminemment important qui concerne tout le monde. Fermer les yeux sur les prisons, c’est fermer les yeux sur une réalité qui nous concerne tous. Sortir la prison de ses murs, c’est ouvrir le débat et s’interroger sur ce que nous sommes.

17h00: Un tiers de la peine !

Ce midi, un policier est venu nous rendre visite. La discussion s’installe. Lorsqu’il y a une grève des agents pénitentiaires, ce sont les policiers qui sont chargés de surveiller les détenus. Il est intervenu à  Forest, Saint-Gilles, Andenne, Marneffe, Huy. Il explique que la cellule est proche de ce qu’on trouve en prison. Mais ce qui fait vraiment la différence, ce sont les odeurs, les bruits, les couleurs ternes des murs, la salubrité/insalubrité, ces éléments, il n’y a qu’en y allant qu’on comprend. Juste après, un ancien détenu s’arrête. Il a fait un court séjour à  la prison de Huy. Il trouve la cellule conforme à  ce qu’il a vu. Nous lançons alors une réflexion sur le temps nécessaire pour s’adapter à l’univers carcéral. La moyenne serait de 40 jours pour s’ « acclimater ». Il nous explique, qu’en détention préventive, chaque mois, tu espères sortir, à chaque fois que la Chambre du conseil doit se prononcer. A chaque fois, tu replonges dedans. En début d’après-midi, alors que le soleil brille derrière les barreaux, un groupe de jeunes sortant de l’école s’approche, curieux d’en apprendre plus sur notre action. Une jeune fille commence par évoquer la nécessité d’enfermer et de punir sévèrement les violeurs et les meurtriers. Mais à  force de discussion, elle admet qu’on ne peut penser l’ensemble d’un système sur base d’une minorité de détenus. N’importe qui peut se retrouver en prison, pour des faits souvent beaucoup moins graves. La réflexion fait son chemin : l’objectif est atteint !

23h00: Vous avez la montre, nous avons le temps

12h que nous sommes dans cette « cellule reconstituée ». La nuit est tombée. Les heures s’égrainent lentement, très lentement, trop lentement. L’aumônier de Lantin nous a rendu visite. Nous abordons cette question du temps. A un moment, il travaillait à  la prison de Huy. Pendant quelques années, il est parti ailleurs. En revenant, il se rendait compte que les détenus étaient encore là . Sans avoir bougé. Qu’a-t-il fait, lui, pendant 2 ans ? Énormément de choses. Eux ont tourné en rond. Encore et encore, avec pour seule horizon le jour suivant ou une sortie hypothétique dans quelques mois, quelques années. Même en préventive, les détenus attendent un mois, espèrent, rempilent un mois en plus, comptent les jours et recommencent 30 jours plus tard. Et nous, cette notion du temps ? Après 12h, nous sommes fatigués. Dans les mêmes conditions, « sans barreau », le temps serait vite passé. Là , les minutes sont si longues. L’ennui ? L’ « enfermement » ? L’espace réduit ? La promiscuité ? Dans notre petit confort bourgeois, nous oublions cette chance de nous fixer des échéances, des objectifs, d’avoir une vraie notion du temps.

Jeudi 10h30: Une prison hors des murs

Après une nuit agitée et un peu froide, les visites recommencent. En lançant cette action, notre premier objectif était de susciter le débat. Les hauts murs des prisons sont censés être là  pour protéger et pour empêcher les détenus de sortir. Au final, ces murs sont un bon moyen d’occulter ce qu’il se passe en prison et de cacher une réalité qu’on ne veut pas voir. En enfermant les détenus, nous soustrayons à  nos regards citoyens les questions sociétales dont on ne connait pas les réponses. Entre émotion et raison, il est difficile d’avoir un débat dépassionné sur la thématique. Derrière les murs, il y a des détenus, des travailleurs, les familles des uns et des autres, les associations, mais il y a aussi les victimes et leurs proches, les policiers, les acteurs judiciaires, les médias. Chacun a un avis, et chaque avis mérite d’être écouté et pris en compte. Tous ces avis, nous devons les entendre tout en n’omettant pas les principes moraux, éthiques et les règles de droit. Sans ces principes, nous pouvons vite partir dans une réflexion manichéenne. Derrière les murs, ce sont avant tout des hommes et des femmes. Un jour, ça pourrait être un de nos proches. Un jour, ça pourrait être nous.

Joanne

Pour aller plus loin, retrouve:

* La position d’écolo j Pour une politique pénitentiaire juste et efficace!,

* Le reportage de RTC,

* Les podcasts de Vivacité et La Première

* L’article de La Meuse,

* L’article de l’Avenir,

* L’article de la DH,

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