La Chinafrique : opportunité réelle ou illusoire ?

A l’heure où la coopération au développement telle que pratiquée par les pays occidentaux est régulièrement remise en question par les dirigeant·e·s africain·e·s, la République Populaire de Chine s’impose de plus en plus comme un partenaire de choix.

En effet, alors que l’Occident semble perpétuer un modèle jugé paternaliste par certain·e·s, la Chine se présente, en théorie tout du moins, comme un véritable allié qui favorise la mise en place de relations d’égal à égal, rassemblées sous l’appellation Chinafrique.

Mais pourquoi la Chine s’intéresse-t-elle tant à l’Afrique ?

Depuis son arrivée au pouvoir en 2012, le Président Xi Jinping ne cache pas son souhait de voir émerger un nouvel ordre mondial avec, à sa tête, la Chine comme puissance hégémonique. L’ambition est grande et demande, notamment, le soutien de nombreux·ses allié·e·s sur la scène politique internationale. Il est donc dans l’intérêt de la Chine de nouer des relations étroites avec le plus grand nombre d’états possible, états susceptibles d’appuyer les propositions chinoises lors des votes de certaines mesures au sein des différentes instances de l’ONU, par exemple.

A côté de cela, avec plus d’un milliard d’habitant·e·s sur son territoire et une croissance économique, certes en baisse, mais toujours importante, les besoins en matières premières de la Chine sont grands. Le territoire africain, quant à lui, est réputé pour être particulièrement riche en ressources naturelles, ce qui explique donc en partie l’intérêt que la Chine lui porte.

Pourquoi l’Afrique se tourne-t-elle vers la Chine ?

Dans le cadre de la coopération sino-africaine, la Chine propose à ses partenaires de leur octroyer des prêts dits « non conditionnels ».

Ces prêts, contrairement à ceux offerts par les institutions et pays occidentaux, permettent aux dirigeant·e·s de notamment investir dans les infrastructures nécessaires au développement de leur pays sans avoir à répondre à certaines exigences en matière de bonne gouvernance ou de respect des droits humains. De plus, dans le cadre de la construction d’infrastructures, la Chine propose des produits « tout-en-un » qui sont particulièrement adaptés aux besoins de ses partenaires africain·e·s. Ainsi, elle fournit non seulement les fonds nécessaires, mais aussi l’entreprise, l’expertise technique et même la main d’œuvre.

L’arrivée de petits commerçant·e·s chinois·e·s en Afrique, elle, permet la démocratisation de certains produits de consommation courante, jusqu’alors inaccessibles pour certain·e·s.

La création de bourses d’étude, quant à elle, donne la possibilité à de nombreux·ses jeunes africain·e·s de poursuivre leur scolarité.

Pourquoi la Chinafrique est-elle donc si impopulaire ?

De nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui pour dénoncer les actions de la Chine en Afrique et mettre en avant les effets parfois dévastateurs qu’elles peuvent avoir.

En effet, les nombreux prêts accordés par la Chine, devenue aujourd’hui le principal créancier de plusieurs pays africains, participent chaque fois un peu plus à l’augmentation du niveau de la dette de ses débiteurs. Ainsi, entre 2013 et 2018, la dette du Mozambique est passée de 51% de son PIB à 113%1 ! Si la Chine, grâce à des clauses de sûreté, se garantit au moins une contrepartie au non-remboursement plutôt avantageuse (système de troc permettant à la Chine d’obtenir une compensation en matières premières ou en contrôle temporaire d’infrastructures telles que des ports), le pays débiteur, lui, se retrouve coincé dans un marasme économique.

Les infrastructures construites sont, elles, souvent jugées de piètre qualité et les produits « tout-en-un » ne créent pas ou peu d’emplois dans les pays africains. De plus, ces emplois sont souvent précaires, mal rémunérés et non respectueux des législations nationales et internationales en matière de conditions de travail.

La présence de commerçant·e·s chinois·e·s, quant à elle, provoquerait, selon les opposant·e·s de la Chinafrique, la mort de la faible industrie locale existante.

L’influence culturelle qu’a la Chine sur l’Afrique est également particulièrement critiquée. Via le développement des médias et du cinéma pro-chinois et l’implantation de nombreux centres promouvant la culture chinoise sur le territoire africain, la Chine tente de conquérir les cœurs des Africain·e·s et, ainsi, de s’assurer une place de choix sur le continent. Cela fonctionne si bien que plusieurs pays, dont l’Afrique du Sud et le Kenya, permettent maintenant aux étudiant·e·s des écoles publiques d’apprendre le mandarin à partir d’un certain âge.

Pour les opposant·e·s de la Chinafrique, en ce compris la France et les états-Unis, ce dernier point, combiné aux précédents et aux problèmes de corruption et de manque de transparence constatés, illustre que, contrairement à ce qui est annoncé, les relations entre la Chine et l’Afrique sont loin d’être symétriques et s’apparentent même à du « néocolonialisme ». Cependant, il convient malgré tout de relativiser la place occupée par l’Empire du Milieu en Afrique.

Si l’on s’attarde sur les objectifs de coopération fixés en 2015 lors d’un autre Sommet Chine-Afrique, on constate que ces derniers n’ont pas été atteints et ce pour diverses raisons : la situation économique chinoise qui pousse le pays à limiter ses investissements africains, les contacts parfois peu amicaux entre les populations chinoises et africaines, le regard de nombreux Africain·e·s toujours tourné vers ce « fascinant » Occident, etc. Il convient donc pour les puissances occidentales, de nuancer non seulement la présence chinoise en Afrique, mais aussi l’impact négatif qu’elle peut y jouer. Elles pourront ainsi profiter de l’occasion pour remettre en question l’attitude jusqu’à présent adoptée face à ce continent qui a tendance à se détourner d’elles car trop souvent considéré comme un gâteau dont il est nécessaire d’obtenir la plus grosse part.

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1 Barbier A. (2018). Le Mozambique dans l’enfer de la dette. Consulté sur https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/22/le-mozambique-dans-l-enfer-de-la-dette_5401422_3234.html.

Sources

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Madeline Meunier