L’Écoféminisme ou la dénonciation de toute domination

L’écoféminisme est une branche de l’éthique environnementale, discipline philosophique qui s’intéresse au rapport Humains/Nature et au statut moral de cette Nature.

L’un des questionnements moraux peut ainsi être de savoir si elle possède une valeur intrinsèque ; ou bien si l’on doit la préserver à cause de la valeur instrumentale qu’elle possède pour l’humanité. L’écoféminisme a plus spécifiquement pour vocation de faire entrer la question de la domination masculine dans ces débats environnementalistes.

Pour le dire autrement, l’écoféminisme cherche à rendre l’éthique écologique d’avantage connectée aux problématiques culturelles et sociales et à rendre visibles les liens structurels, souvent ignorés, entre ces problématiques.

Mais l’écoféminisme est-il en retour une branche du féminisme ? Le débat est plus compliqué. Plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, faire rentrer une préoccupation environnementale dans une lutte sociale peut être vu comme une tentative de diluer son objet. Mais l’argument de la convergence des luttes peut alors être apporté.

Ensuite et surtout, c’est l’idée que l’éthique environnementale -parce qu’elle serait d’avantage portée sur le Care que les autres secteurs de l’éthique- aurait d’emblée un lien avec la féminité. N’est-ce pas là renforcer les stéréotypes et essentialiser une nature des femmes ? Lesquelles seraient considérées comme nécessairement plus douces, plus respectueuses, plus à l’écoute.

La thèse principale des écoféministes est que les Lumières, la consécration moderne de l’autonomisation du monde humain et l’avènement d’un capitaliste destructeur auraient élevé au rang de norme et dès lors rendu inquestionné un rapport au monde et aux autres supposément masculin (encore une fois, le sexisme n’est pas loin).

L’idée est parlante, certes, et les deux formes de domination (celle d’un sexe sur un autre et de l’Humain sur la Nature) importantes à dénoncer. Pourtant, les bases anthropologiques de ce mouvement de pensée sont bancales. Quid des régions du monde très peu touchées par la Modernité et où une domination patriarcale existe tout de même ? (l’Athènes antique est un bon exemple historique). Et quid des sociétés matriarcales bien plus anciennes ?

La réponse que donnent certaines écoféministes à cette accusation de non solidité est pour le moins intéressante : la volonté de faire primer la rationalité sur l’intuition n’est-elle pas aussi un symptôme de notre incapacité à sortir du moule-à-penser masculin ?

Pour aussi incertaine que soit la réponse, il est important de souligner que l’écoféminisme a l’immense mérite de faire entrer la voix des opprimé‧e‧s dans ce qui se réduit souvent à des considérations juridiques entre gens bien lotis (si l’on pense, par exemple, aux négociations internationales climatiques). Et surtout (si nous prenons l’analogie pour ce qu’elle est) l’idée que le point de vue des femmes – parce qu’elles sont (pour le meilleur ou pour le pire) celles qui portent la vie – est un apport inestimable au combat pour refaire de notre attitude envers le monde celle, non pas d’un maître, mais d’un habitant pour son milieu nourricier.

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Cloé Devalckeneer