Reconnaître symboliquement la sécu, à quoi ça sert ?

En août 2018, la mutualité Solidaris a lancé une campagne de valorisation de la sécurité sociale. Son but, faire reconnaître la sécurité sociale comme patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.

La pétition est toujours en ligne sur un site dédié à cet effet par Solidaris.

En découvrant cette proposition, j’ai voulu me pencher non pas sur la pétition en elle-même, mais plutôt sur le signal que cela renvoie au monde. Notre système de protection sociale est plus que séculaire mais s’est structuré après la Seconde Guerre mondiale avec la montée en puissance du Welfare state ou État Providence. Depuis le 19e siècle, le combat social a pris des formes diverses et les défis se sont multipliés pour répondre aux besoins sociaux. La crise de la Covid-19 en est un exemple actuel prégnant. Le déficit de la sécurité sociale a atteint 8.5 milliards en 2020. Un déficit qui selon le scénario le plus optimiste d’une reprise économique en 2021 continuera à se creuser pour atteindre 12 milliards en 2024 (sans tenir compte du surcoût de la hausse de la pension minimum de 22 %).
Cela nous fait un déficit cumulé entre 2020 et 2024 de près de 50 milliards, auquel il faut ajouter le coût cumulé de 10 milliards lié à la revalorisation progressive de la pension minimum. Pour rappel la dotation d’équilibre de la sécurité sociale se chiffre à 3 milliards.

Mais alors, pourquoi valoriser la sécurité sociale ?

Est-ce à coup de coupes budgétaires et de politiques économiques plus austères que collectives que nous résorberons ce « trou » ? Aurions-nous oublié que la sécurité sociale est un des fondements de la Démocratie et d’un monde plus juste ? Pierre Laroque, considéré comme le père de la sécurité sociale en France, disait : « En fait, mon projet, c’était de prolonger en temps de paix la solidarité du temps de guerre ».

La reconnaissance par l’UNESCO de ce système est selon moi très importante. C’est en quelque sorte reconnaître que cette utopie historique de solidarité est devenue projet politique et sociétal. Et reconnaître ce projet comme valeur essentielle de ce qui constitue notre Humanité. Une certaine redistribution des richesses, l’accès aux soins de santé, à un revenu de remplacement stable et décent dépend de cette organisation collective et fait de notre société un lieu plus viable, plus sûr et plus humain. Ce projet, comme le dit Pierre Laroque, est un moyen de perpétuer la solidarité et de permettre à chaque citoyen·ne d’accéder à une même qualité de vie, d’assurer leur futur malgré leur passé et leur présent.

Il est déjà arrivé que des projets sociaux soient célébrés ? Et que leurs créateur·rice·s soient récompensé·es comme en 2010 avec le prix Nobel de l’économie décerné à trois économistes. Ces derniers ont établi un indice permettant de mesurer l’impact des politiques économiques sur les demandeurs·euses d’emploi et le marché du travail. En 2020, dans le Val-De-Marne, un appel à projets pour une économie sociale et solidaire a émergé à la suite de la crise sanitaire, avec en prime des récompenses . En sont ressortis 11 projets récompensés qui créeront de l’emploi, avec à la clé un butin partageable de 100.000 euros. Un réseau d’association étudiante, l’ANIMAFAC, récompensait en 2014, les meilleurs schémas d’innovation sociaux créés par leurs membres. En Belgique, le prix de l’économie sociale est décerné chaque année à des entreprises pour, je cite : « promouvoir des entreprises et associations qui développent des modèles économiques durables et solidaires, plaçant l’humain et l’environnement au centre des préoccupations ».

Ici, concernant la campagne de Solidaris, il n’est point question d’une récompense, mais bien de reconnaissance

Mettre en avant la sécurité sociale par ces temps où le secteur privé tente de prendre l’ascendant sur le secteur public, c’est aller à contre-courant. J’évoquais les « trous de la sécu », car dans notre société financiarisée, se préoccuper des plus démuni·e·s et de solidarité est souvent perçu comme désuet. Or, cette crise sanitaire a montré ce rôle essentiel de redistribution, sans doute imparfait selon certain·e·s, que peut jouer pleinement cette noble institution. Des mutations sociétales nous bousculent jour après jour. La cause féministe, le dérèglement climatique, le passage d’une économie de courte durée à un système de long terme, les réflexions sur notre mode de production et j’en passe… Les besoins de solidarité s’accroissent pour affronter notre futur. Cette philosophie sur le plan économique, écologique et social doit être reconnue afin de l’assurer et nous rassurer face à l’adversité. Pourquoi ne pas imaginer que cette candidature de notre sécurité sociale puisse être portée par la Belgique et ses composantes et non pas seulement par une mutualité par le biais d’une pétition ? Puisse le Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel accéder à cette demande de reconnaissance, et ce finalement, peu importe le/la demandeur·euse car il s’agit de notre matrimoine/patrimoine commun.

___

  1. https://prenonssoindenous.be/
  2. https://www.lesoir.be/347093/article/2021-01-05/la-reforme-des-pensions-legales-comment-debloquer-le-dossier
  3. https://prixdeleconomiesociale.be/a-propos/vision

___

Antoine Meertens