Un salaire étudiant pour lutter contre la précarité ?

Une enquête réalisée par la FEF en 2017 indiquait qu’en Belgique la moitié des étudiant·e·s dépendent directement de leur travail pour payer leurs études ou subvenir à leurs besoins primaires comme l’alimentation ou le logement.

La crise sanitaire a fait perdre à une grande partie des étudiant·e·s cette source de revenus indispensable, augmentant ainsi la précarité étudiante.

Selon la FEF, en 2019, « 32% des étudiant·e·s éprouvent des difficultés supplémentaires à payer leurs études ». Elle ajoute que 85% des jeunes bénéficient de l’aide de leurs parents pour financer leurs études. Cependant, 15% d’entre elleux indiquent que la perte de revenus de leurs parents dû à la crise a impacté leur vie étudiante.

Cette enquête renforce le constat que les aides aux étudiant·e·s sont insuffisantes. En effet, selon l’OCDE, en communauté française uniquement 20% des étudiant·e·s ont accès à des bourses ou des allocations de l’état. Cela est très contrastant avec le nombre d’étudiant·e·s devant jobber pour payer leurs études. De plus, on constate de grandes disparités entre les pays européens en matière d’aides financières. Par exemple, en Norvège seulement 10% des jeunes n’ont pas de soutien financier de l’état. Au Danemark, ce sont uniquement 15% qui ne bénéficient d’aucune aide.

Afin de trouver des solutions contre la précarité étudiante, il serait intéressant de se pencher sur les modèles mis en place dans ces pays.

Le modèle norvégien

En Norvège, le pourcentage d’étudiant·e·s bénéficiant d’une aide financière était de 90% en 2017-2018. Cela s’explique par la présence d’un prêt étudiant à taux 0. En effet, les jeunes norvégien‧ne‧s
peuvent bénéficier de 1.150€ par mois sans conditions. Mieux encore, si iels obtiennent leur diplôme, la somme à rembourser est réduite de moitié. Mais la perspective de devoir rembourser même la moitié de ce prêt peut être un frein pour des personnes ayant peu de ressources financières. De plus, les jeunes sont soumis·e·s à de nombreux risques lors du passage de l’école à l’emploi tel que le chômage ou une situation précaire due au salaire bas ou à des contrats à courte durée. Les prêts peuvent donc être difficile à rembourser et être lourd de conséquences pour les étudiant·e·s.

Le modèle Danois

Au Danemark, l’éducation est cent pour cent gratuite et la plupart des étudiant·e·s perçoivent des allocation sous forme de salaire étudiant, « cumulable à d’autres formes d’aides basées sur des critères individuels ». Les aides s’élèvent en moyenne à 750 euros par mois, sous les seules conditions d’être inscrit·e·s dans l’enseignement supérieur et d’avoir quitté le foyer familial. Cela permet aux bénéficiaires d’atteindre une certaine autonomie. En effet, 19% des étudiant·e·s affirment recevoir une aide régulière de leurs parents contre 85% en Belgique. De plus, ces aides ne reposent pas sur un endettement futur. Elles semblent donc adaptées à la réalité du marché de l’emploi, où les jeunes sortant des études sans expérience tardent à trouver un travail.

L’accès à l’éducation devrait être une priorité du gouvernement

Alors que travailler en étant étudiant·e semble la norme, il est important de rappeler qu’étudier représente déjà une charge de travail équivalente à un temps plein. Cette charge peut avoir un impact négatif sur les résultats scolaires mais est également une source de stress et de tensions. Il n’est pas normal de devoir jobber tout en suivant un cursus scolaire. Mettre en place un salaire étudiant permettrait à de nombreux jeunes de retrouver un équilibre et une vie plus sereine. En outre, le salaire étudiant semble indispensable pour lutter contre la précarité. Sa mise en place réduirait les inégalités d’accès à l’enseignement tertiaire, en permettant à tou·te·s de s’inscrire aux études supérieures. Finalement, c’est un moyen de garantir aux étudiant·e·s une autonomie vis-à-vis de leurs parents.

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  1. OCDE (2019), Regards sur l’éducation 2019 : Les indicateurs de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/6bcf6dc9-fr
  2. Ibid
  3. Ibid
  4. OCDE (2018), Regards sur l’éducation 2018:Les indicateurs de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/eag-2018-fr
  5. OCDE (2019), Regards sur l’éducation 2019 : Les indicateurs de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/6bcf6dc9-fr
  6. Alexandre, L. Vers l’autonomie des Universités des étudiant∙es ? Le salaire étudiant comme outil de lutte contre la précarité : comparaisons européennes, Academia, 28/04/2020 https://academia.hypotheses.org/22973
  7. Ibid
  8. Alternatives économiques, Le Danemark, paradis pour jeunes adultes, par Hiver, A.F. le 05/02/202, https://www.alternatives-economiques.fr/danemark-paradis-jeunes-adultes/00091614
  9. Un quadrimestre à 30 crédits représente l’équivalent d’un temps plein
  10. Le monde, « Au-delà de douze heures par semaine, danger » : les paradoxes du travail étudiant, par Raybaud A. le 18/09/2019, https://www.lemonde.fr/campus/article/2019/09/18/au-dela-de-douze-heures-par-semaine-danger-les-paradoxes-du-travail-etudiant_5511684_4401467.html

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Adèle Bero