La réduction collective du temps de travail : une solution juste, durable et solidaire.

Positions

Position commune du Conseil de la Jeunesse, des Jeunes FGTB et d’écolo j adoptée en 2011. La crise économique et financière a principalement touché les travailleurs et les demandeurs d’emploi. Et si le taux de chômage général en Belgique est inférieur à la moyenne européenne, il se maintient à des niveaux importants. De plus, ce taux de chômage général présente des disparités extrêmement fortes, disparités tant régionales que relatives à l’âge, avec un chômage des jeunes très élevé. Chercher une solution dans l’ornière unique de la croissance, alors que nous vivons une crise sociale et environnementale, est illusoire, voire dangereux. Nous pensons que ce modèle est dépassé, et qu’une prospérité sans croissance est possible.

Tandis que les spéculateurs accentuent la crise tout en s’enrichissant, certains veulent à nouveau faire porter le poids de la crise sur les travailleurs et les demandeurs d’emploi en recourant à l’austérité, via la dégressivité des allocations de chômage, les coupes dans les budgets des services publics ou la hausse de l’âge des départs à la retraite.

Alors que la productivité est en hausse constante et que le nombre légal d’heures de travail par semaine se maintient à 38h depuis 2003, nous souhaitons rappeler que cette augmentation de la productivité n’a pas été redistribuée aux travailleurs (sous forme de salaires ou de réduction collective du temps de travail). Culpabiliser les demandeurs d’emploi, via « l’activation », et pratiquer la stagnation des salaires ne peuvent se justifier, tant d’un point de vue moral, social, qu’économique, alors qu’il y a 5 demandeurs pour une offre d’emploi, et que l’inégale répartition des richesses est l’une des causes principales de cette crise.

Toutefois, il existe d’autres idées, mises au frigo ces dernières années, qui permettent de diminuer le chômage et d’envisager une société basée non pas sur les surplus de productivité et de profits, la consommation ou la croissance, mais basée sur l’humain, l’égalité et le bien-être collectif.

La réduction collective du temps de travail est une opportunité forte de remettre la solidarité au cœur de notre société. Pour autant que des embauches compensatoires soient prévues, le passage de 38 à 32h par semaine en moyenne induirait une diminution du taux de chômage, tout en offrant la possibilité à chacun de consacrer plus de temps à d’autres activités (famille, loisirs et implication citoyenne). En outre, cette mesure favorise l’égalité entre les hommes et les femmes, celles-ci étant les premières touchées par les mesures de réduction individuelle du temps de travail : 44% des travailleuses ont un contrat à temps partiel. Cette RCTT permettrait de sécuriser le financement des services publics et de la sécurité sociale, car elle augmenterait le nombre de personnes qui cotisent et diminuerait le volume des allocations de chômage. Les arguments favorables aux politiques d’austérité s’en trouveraient nettement déforcés.

Malgré le fait que la RCTT ait déjà fait ses preuves à maintes reprises, les arguments des détracteurs ont peu évolué depuis la fin du 19ème siècle : « la pénurie actuelle dans certains secteurs », « le coût pour les entreprises et la collectivité », « la baisse de la croissance, l’économie globalisée et la compétitivité » ou encore « les mesures individuelles de réduction existantes ».

Pourtant, on peut soutenir que l’absence de RCTT significative depuis plus de 30 ans est un facteur important de la hausse drastique du chômage. Les mesures individuelles augmentent les inégalités selon les secteurs d’activités et selon le sexe. De plus, elles sont difficilement praticables pour les bas revenus. En l’absence de RCTT, l’accroissement de la productivité profite surtout aux employeurs et aux actionnaires (et de moins en moins à l’Etat vu les multiples baisses d’impôts et réductions de cotisations sociales ; qui augmentent au même rythme que le chômage, depuis 30 ans également). Le chômage, qui grimpe en l’absence de RCTT, handicape, lui, les travailleurs et la sécurité sociale, donc la collectivité. Le grand patronat et les spéculateurs s’en accommodent fort bien, car un taux de chômage important tire les conditions de travail de toutes et tous vers le bas. Enfin, le modèle d’une croissance sans fin du PIB apparaît petit à petit pour ce qu’il est : un mythe. Une prospérité fondée sur une autre croissance, celle du bien-être, est une urgence démocratique, sociale et écologique. La réduction collective du temps de travail en est l’un des instruments.

L’exemple français des 35 heures l’atteste : la réduction collective du temps de travail a permis la création de plusieurs centaines de milliers d’emplois tout en ne diminuant pas la compétitivité.

Reste néanmoins une question majeure que nous ne pouvons écarter, celle des salaires. Nous pensons qu’il est inenvisageable que ceux-ci diminuent, pour que la RCTT profite réellement aux travailleurs et parce que les plus bas salaires sont déjà bien trop bas. Mais la question ne peut s’envisager sans remettre en cause plus globalement la fiscalité actuelle qui pèse de plus en plus sur le travail et de moins en moins sur le capital.

Nous estimons que la RCTT doit se réaliser conjointement à une réforme globale de la fiscalité (réduction et conditionnalité des intérêts notionnels à la création d’emplois, réduction des exemptions sur les voitures de société,…), par un transfert de la taxation vers d’autres secteurs (comme les transactions financières, par exemple) et une lutte sérieuse contre la fraude fiscale, parce qu’il est inacceptable de mettre à mal notre modèle social. Nous estimons qu’il est également nécessaire de décourager les heures supplémentaires, sans quoi la RCTT risque d’entrainer des effets pervers.

Cette mesure doit prendre la forme d’une loi, être négociée de façon transversale et intersectorielle, pour être ensuite organisée en fonction du secteur d’activité et de la taille de l’entreprise. Des modalités d’application et de soutien spécifiques sont notamment nécessaires pour les TPE et PME. Aussi, nous demandons aux partis, en pleine négociation fédérale, de s’engager à mettre le sujet sur la table afin de répondre aux défis d’aujourd’hui et de demain.

La réduction collective du temps de travail, une solution juste, durable et solidaire !


Laurence Willemse et Olivier Bierin, coprésidents d’écolo j (2010-2012)
Les Jeunes FGTB
Le Conseil de la Jeunesse

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