Retour sur | Nouvelles technologies : un facteur d’aggravation des inégalités ?

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« Enchaîner les robots pour libérer les pauvres ». Cette phrase n’est pas sortie de la plume de Karl Marx, ni même de Jean de Sismondi, l’un des pionniers du socialisme utopiste qui, au début du 19ème siècle déjà , s’inquiétait des conséquences sociales de la robotisation de l’économie.

C’est le titre d’un article publié le 11 février dernier dans le Financial Times, écrit par Martin Wolf, considéré comme l’un des journalistes économiques les plus influents au monde, et qui appelle à repenser notre système de redistribution des richesses. Une petite révolution.

Un archipel de richesse dans un océan de pauvreté

La Silicon Valley apparaît souvent comme l’eldorado de l’innovation technologique : Google, Facebook, Apple, eBay – pour ne citer qu’eux – ont leur siège social dans ce pôle de compétitivité situé à deux pas de San Francisco. Un article du Monde du 6 décembre 2013 en dresse un constat moins élogieux : polarisation extrême entre ultrariches travaillant pour les sociétés précitées et ultra-pauvres vivant de jobs précaires, souvent au service de ces derniers. La classe moyenne y est en voie de disparition.

Ce constat rejoint celui de Martin Wolf, qui prévoit que les robots et les nouvelles technologies mèneront à terme, pour les travailleurs peu qualifiés, à une vague de licenciements et à une diminution des salaires. Conséquence logique : une aggravation des inégalités de revenu.

Quelles solutions ?

Selon une étude de Frey et Osborne, deux chercheurs d’Oxford, 47% des emplois américains pourraient être informatisés d’ici 10 à 20 ans. Si l’emploi venait à disparaître dans de telles proportions, la répartition des richesses prendrait une dimension cruciale. Martin Wolf envisage alors la mise en place d’une allocation universelle, financée par une taxation accrue sur la pollution et une rente sur les revenus de propriété intellectuelle. L’anthropologue anarchiste David Graeber voit les choses d’un autre oeil. Selon lui, cette « machinisation » a déjà eu lieu : il y a 100 ans, seuls ¼ des emplois étaient des services contre ¾ aujourd’hui. Avec une production automatisée ou délocalisée, la société a créé ce qu’il appelle des « bullshit jobs », ou emplois à la con, citant entre autres l’administration hypertrophiée, le télémarketing, les lobbyistes et autres avocats d’affaires. Disparition ou « absurdisation » de l’emploi ? Difficile à dire. Ce qui paraît plus sûr, c’est que ce n’est pas le robot qui monte la Ford qui l’achètera…

Cet article a été rédigé par Jean-François Wansart pour JUMP, le magazine d’écolo j (Édition n°14 – Connexions Citoyennes)

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