Position drogues

Positions

Le sujet est de nouveau sous les feux de la rampe, mais cela fait un petit temps déjà qu’écolo j avait adopté une position claire sur le sujet.

1) Introduction

La prohibition de la consommation de drogues et la répression du trafic corollaire sont un échec : elles n’ont ni enrayé le commerce des substances illicites, ni démotivé la consommation. On remarque, au contraire, que la consommation de drogues (de synthèse, opiacés, cocaïne ou cannabis) est en augmentation, selon la Commission Mondiale de la Politique des Drogues (ONU)1. En outre, les études de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies2 ont montré que certains Etats prohibitionnistes ne font pas face à moins de consommateurs de drogues que les pays moins répressifs (ex : deux fois moins de consommation aux Pays-Bas qu’en France).
La production de ces substances continue donc à se développer, surtout en Amérique du Sud, mais aussi en Europe. Elle nourrit un puissant réseau de crime organisé.
En Belgique, en matière de dépenses publiques, l’étude « Drogues en chiffres II » dresse un constat implacable : bien que la prévention, depuis la note politique fédérale de 2001, reste la priorité politique n°1, suivie dans l’ordre par l’assistance et la sécurité, dans les faits c’est bien la lutte contre la consommation et le trafic qui mobilisent l’essentiel des dépenses consenties dans ces différents secteurs.
En résumé, la politique actuelle de prohibition et de répression ne constitue pas un frein efficace. Or des sommes très élevées de l’argent public y sont consacrées chaque année.

2) Contexte

Une politique globale et intégrée en matière de drogues se base sur trois piliers :

• Prévention et assistance (y compris réduction des risques)
• Détection et intervention (traitement et prise en charge)
• Répression

Ces différents piliers doivent faire l’objet d’une politique et d’une hiérarchisation claire car ils interviennent sur l’ensemble des éléments en lien avec les drogues tels que le trafic, la consommation et la justice

A) TRAFIC ET COMMERCE

Alors que cette politique inadaptée coûte cher aux Etats, le commerce illégal rapporte, lui, beaucoup aux organisations criminelles, liées souvent également au trafic d’armes et à la traite d’êtres humains.
Une meilleure gestion politique de la question des drogues doit aussi avoir pour conséquence de réduire tant la petite criminalité que le grand banditisme.
L’objectif du projet de légalisation que nous décrirons dans la partie 3 est également d’enrayer le commerce parallèle et le marché noir : une gestion étatique et une régulation des produits psychotropes endigueraient ainsi ce marché.

B) CONSOMMATION

La criminalisation des usagers de drogues maximalise les risques sanitaires liés aux modes de consommation. La clandestinité de l’acte de consommer complique fortement l’accès aux soins, à un matériel stérile nécessaire pour limiter la propagation des maladies transmissibles par le sang, à l’information et à la prévention des risques inhérents aux modes de consommation.

L’absence de contrôle des produits et des processus de production permet la vente de produits impurs, coupés avec d’autres substances, avec pour conséquence des effets non désirés, voire irréversibles.
Il s’agit donc de travailler dans une démarche performante de réduction des risques4, notamment en créant des passerelles avec le réseau socio-sanitaire existant. Les lieux de consommation doivent être sûrs, sécurisants et hygiéniquement irréprochables.
Ensuite, la criminalisation de l’usage entraîne une exclusion sociale et une stigmatisation des toxicomanes, vus comme des délinquants, empêchant une réelle prise en considération de ces personnes et les enfonçant dans une spirale de précarisation.
« La plupart des consommateurs sont occasionnels et n’ont pas de problème de toxicomanie, cependant les cas problématiques doivent être considérés comme des malades, plutôt que des criminels, et qui plus est, des malades exploités par des criminels. Le rôle de la société est de les protéger», explique Ruth Dreifuss, ancienne présidente de la Confédération Suisse sur Swissinfo5.
Cette mission sociétale semble impossible dans une situation où avouer prendre de la drogue correspond à avouer un délit.

C) JUSTICE

Réfléchir à la gestion du trafic et de la consommation de drogues, c’est aussi réfléchir à la politique judiciaire. En effet, la guerre contre la drogue contribue au surpeuplement des prisons. Presque 1/3 de la population carcérale est incarcéré pour des délits mineurs d’infraction(s) à la loi sur les stupéfiants (consommation) et 66% des faits liés aux stupéfiants font l’objet de détention.
Ajoutons que, selon certains membres du personnel pénitentiaire, près de 50% des détenus ont des problèmes d’addiction (près de 20% commenceraient en prison).
Il semble plus nécessaire que jamais pour le politique de privilégier la prise en compte des réalités actuelles plutôt que de répéter des réflexes moraux, surannés et inefficaces. Il s’agit d’entendre les sonnettes d’alarme tirées par l’ONU, par divers groupements de citoyens et d’hommes politiques, par les travailleurs des secteurs social, médical et judiciaire.
Pour écolo j, faire de la politique n’est pas seulement gérer un problème mais prendre le temps de construire une réponse nouvelle, adaptée et concrète à ce phénomène de consommation de drogues. L’objectif de l’Etat doit être d’inscrire la problématique de la drogue dans une politique de santé publique globale pour protéger le consommateur. Les changements souhaités par écolo j mettent donc la priorité sur les deux premiers piliers de la politique globale et intégrée en matière de drogues pour la Belgique c’est à dire la prévention et assistance (y compris réduction des risques) et la détection et intervention (= traitement).

3) Nos propositions

Devant l’importance de proposer un projet global, intégrant chaque dimension du problème, les mesures suivantes doivent se voir comme indivisibles et complémentaires. Une telle politique doit s’ancrer à un échelon international, au moins européen, pour éviter le tourisme de la drogue et pouvoir lutter efficacement contre le crime organisé. Néanmoins, la Belgique doit avancer sans attendre et ainsi contribuer au changement de mentalité nécessaire pour l’extension de cette politique à des espaces politiques plus importants. La mise en œuvre concrète de ce projet devrait se faire sur base de l’évaluation de l’expérience d’autres pays, tels que les Pays-Bas, le Portugal ou la Suisse.

A) LA DÉTENTION ET LA CONSOMMATION

Parce que le consommateur, qu’il soit occasionnel ou régulier, n’est pas un criminel, la possession de tout produit stupéfiant pour un usage personnel doit être décriminalisée. écolo j plaide pour la légalisation de la consommation et de la détention des drogues, en quantités limitées, liée à une consommation personnelle, ainsi que la culture d’un nombre limité de plants de cannabis.
Par contre, leur consommation sur la place publique, les délits et crimes liés à la consommation (vol, violence…) le trouble de l’ordre public et la conduite sous influence restent interdits. Des établissements seront prévus pour certains types de consommation (voir plus bas).

B) LA DÉLIVRANCE

Un système de délivrance sera mis en place pour les résidents belges inscrits au registre de la population, afin d’éviter le tourisme de la drogue et d’outrepasser les lois en la matière des pays voisins. Cette délivrance se basera selon deux critères :

• Le type de substances (selon la toxicité du produit et sa dangerosité)
• Le type d’usages (selon la fréquence et l’intensité)

Ces deux critères guideront les types de distribution et d’accompagnement :
• Pour la consommation douce (occasionnelle et modérée) de drogues douces, écolo j prône la création de centres qui permettraient la fourniture personnelle de produits peu toxiques (cannabis et dérivés) dont la qualité serait garantie. Outre la délivrance, ces lieux seraient des endroits de conseil et de guidance pluridisciplinaire afin d’assurer une information claire et un suivi des usagers. Ces centres seraient gérés en partenariat par l’État et des structures privées, c’est-à-dire sans but lucratif. Le rôle de l’État sera de fixer les lignes directrices, le canevas et les limites (interdiction de publicité et de concurrence entre les structures par exemple) de cette politique et de contrôler sa bonne mise en œuvre.
En cas de détection de consommation problématique par des professionnels de la santé ou par la personne elle-même, le consommateur peut se voir proposer ou demander lui-même une assistance dans le respect de l’anonymat.
• Concernant les produits présentant un risque toxique élevé, leur dangerosité ne permet pas une délivrance libre, bien que la grande majorité des usages soit ponctuelle et récréative.
• Pour la consommation dure , le produit ou une substitution pourra faire l’objet d’une délivrance contrôlée dans des officines adaptées, avec consommation sur place, suivi personnalisé et prise en charge médicale des usagers, dans un but de traitement visant la désaccoutumance. Ces officines seront des lieux distincts des centres mentionnées ci-dessus car ils rencontrent des objectifs différents. Il faut par ailleurs éviter la stigmatisation des personnes toxicomanes.

C) LA PRÉVENTION ET LA RÉDUCTION DES RISQUES

Si la création de lieux encadrés jouera un rôle dans la prévention et la réduction des risques cette dimension doit se développer par d’autres biais (fascicules explicatifs, séances d’informations interactives et régulières). Elle doit investir les lieux festifs, scolaires, médicaux, les quartiers, les prisons mais aussi les différents médias. Une attention particulière devra être dirigée vers le groupe d’adolescents et de jeunes adultes, le moins informé sur les risques encourus et dont la consommation est deux fois supérieure à la moyenne.
La prévention travaillera sur les déterminants de comportements dans la prise de substance et sur les effets des produits. Elle doit également reposer sur une analyse des raisons menant à la consommation mais aussi sur ce qui engendre cette économie souterraine du deal. Cette politique des drogues sera efficace uniquement si elle s’inscrit dans une volonté de cohésion sociale et de lutte contre la précarité plus large et si elle tient compte des inégalités sociales ayant un impact, entre autres, sur l’accès aux soins de santé, à l’information et à la justice.
La réduction des risques, démarche de promotion de la santé, doit donner au consommateur de produits licites ou illicites l’information et les moyens nécessaires pour réduire les risques en fonction des produits et des usages (ex : en soirée, distribution d’eau, testing…).
Une solution concrète qui a déjà montré son efficacité d’un triple point de vue de santé publique, de promotion de la santé des usagers, et de sécurité urbaine : les salles de consommations à moindre risques (SCMR). Elles offrent un espace sécurisé aux consommateurs les plus précarisés, dans des conditions d’hygiènes optimales et sous la supervision de professionnels, qui peuvent leur fournir une aide adaptée (mise en ordre administrative, information et orientation vers des centres de soins…).
La mise en place d’un projet spécifique visant à élargir la palette d’offre existante pour les usagers de drogues n’est pas une finalité en soi, c’est juste un moyen important de rencontrer nos objectifs.

D) LE FINANCEMENT

Notre proposition permettra progressivement de diminuer les besoins financiers nécessaires à la répression, la majeure partie des faits punis actuellement étant légalisée. Par exemple, la diminution de la surpopulation carcérale est une diminution de coût importante. L’argent ainsi rendu disponible pourra permettre de mieux lutter contre le trafic résiduel, et de d’offrir des moyens supplémentaires à la justice et à la police, contribuant de la sorte à une société plus sûre.
Il faut, en revanche, bien mieux financer le pilier préventif et le traitement de la toxicomanie. La vente des substances pourrait créer un auto-financement, l’argent récolté pourrait alors réalloué dans ces besoins.

4) Nos sources

Les associations consultées :

• Modus Vivendi
• TADAM
• Ligue Anti Prohibitionniste
• Icar
• Diapason ASBL

N.B : l’ensemble des associations ci-dessus ont été consultées et impliquées dans la définition de la position et en partagent les fondamentaux. Toutefois, la présente position reflète l’opinion d’écolo j et non pas celle des associations.

Les sources :
1 www.globalcommissionondrugs.org/wp-content/themes/gcdp_v1/pdf/Global_Commission_Report_French.pdf
2 www.emcdda.europa.eu
3 DE RUYVER B., PELC I., DE GRAEVE D. et al., Drogues en chiffres II : étude des acteurs concernés, des dépenses publiques et
des populations atteintes, Etude de suivi, AcademiaPress, Gent, 2007
4 Charte de la réduction des risques
5 www.swissinfo.ch/fre/politique_suisse/Guerre_contre_la_drogue_un_constat_d_echec.html?cid=30716506, consulté le
12/03/2013
6 www.modusvivendi-be.org/IMG/pdf/Rapport_usage_drogues_2008_version_fr_defin.pdf

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