Retour sur | Vous avez dit « Welcome »?

Actions

L’accueil des réfugiés se joue à tous les niveaux de pouvoir !

Dégueulasse, solidarité, souvenir et tout du moins humain ! Voici ce qu’évoque pour les intervenants, présents au ciné-débat, le film « Welcome ». Sous couvert de l’historie de Bilal, jeune Kurde de 17 ans qui souhaite se rendre en Angleterre, le film évoque tout le versant dramatique d’être migrant/réfugié, lorsqu’on est pas né du bon côté de la barrière. Tel le visage de Janus, le scénario mets également en avant la solidarité, l’humanité dont font preuve une partie de la population.

Mais pourquoi tant de discours racistes décomplexés ? Est-il impossible de vivre ensemble ? Pour les intervenants, c’est la peur qui est la cause de ce rejet. Peur du terrorisme et peur de l’appel d’air. A côté de cela, la peur ne quitte jamais le migrant tout au long de son parcours. Il a peur tout au long du périple, des passeurs. Peur car il ne sait pas où il arrivera et comment ça se passera. Peur de ne plus jamais retrouver sa vie d’avant.

« Oui, ils rentrent en Belgique illégalement, mais il n’y a pas d’autre solution ». Zoé Genot, députée Ecolo, met en avant qu’il est impossible de rentrer en Belgique par voie légale car notre pays refuse d’accorder des visas humanitaires. Et pourtant, s’ils quittent leur pays, tout ce qu’ils y avaient et risquent leur vie au cours d’un périple difficile, c’est qu’il n’y a pas d’autres solutions.

Entre la peste et le choléra, se trouvent les passeurs, qui font vivre un véritable calvaire aux gens. Mohamed Soleiman, réfugié, nous lit un SMS qu’il a reçu de sa fille (majeure) lorsqu’elle a atteint les côtes grecques. Elle y explique que les passeurs n’avaient mis qu’1,5L d’essence dans leur bateau de fortune surpeuplé pour traverser la mer sur 10 km. Ce n’était pas suffisant. Heureusement, ils sont sauvés par des garde-côtes. Ces passeurs sont des criminels ! Benoit Pirson, d’Amnesty International, et Zoé Genot ajoutent que c’est également le jeu de l’Union Européenne car plus il y a de difficultés juridiques et légales et plus il y aura de passeurs.

Arriver en Europe ne signifie pas encore la fin des galères. Dans l’union européenne, le système de répartition dit « de Dublin » prévoit que les adultes1 ne peuvent demander l’asile qu’une seule fois, dans le premier pays où ils arrivent. Cela engendre des situations catastrophiques dans les pays aux frontières de l’UE, tels la Grèce ou l’Italie. Mais surtout, ça détache les autres pays, et notamment la Belgique de leurs responsabilités. Il est aisé, sous couvert de cet accord, de refuser l’accueil aux personnes réfugiées en prétextant que, juridiquement, c’est la Grèce qui doit s’en charger.

De plus, les procédures en Belgique pour obtenir le statut de réfugié ou de protection subsidiaire sont inappropriées et inhumaines. Les questions de vérifications de l’endroit de provenance par exemple, ne reflètent absolument pas la vérité concernant la provenance. Par exemple, beaucoup de personnes ne connaissent pas le nom du gouverneur de leur province, ni même l’adresse renseignée dans l’administration. Mais ils connaissent les montagnes, les rivières, le noms des familles, le chef local. Et pourtant, ce sera la connaissance du nom du gouverneur de la province2 qui sera pris en compte pour vérifier si la personne dit vrai à propos de son lieu d’origine. Également, pendant les entretiens, qui durent parfois plusieurs heures, on fait revivre les traumatismes vécus.

Les communes ont un grand rôle à jouer dans l’accueil des réfugiés, grâce aux initiatives locales d’accueil, dont nous parle Luc Melon, président du CPAS d’Amay. Financée par le fédéral, il s’agit d’une aide matérielle apportée au « candidat réfugié » le temps de la procédure. Ainsi, les communes mettent des logements à disposition des demandeurs et, via le CPAS, facilitent leur installation – qui n’est que provisoire. En effet, si leur dossier de demande d’asile est accepté, ils devront quitter le logement de la commune et en trouver un par leurs propres moyens. Bien souvent, les personnes vont habiter dans des plus grandes villes, donc à Amay, il est plus difficile pour le CPAS de mener une véritable mission d’intégration.

Concernant celle-ci, Mohamed Soleiman pointe un grand problème d’accès au logement. Les propriétaires sont réticents à accorder un bail à des réfugiés. Il y a également un souci dans l’équivalence des diplômes. Prenons l’exemple des pédiatres qui ici peuvent à peine exercer des petits boulots car ils ne sont pas reconnus comme compétents. De plus, bien souvent, lorsqu’on se réfugie, c’est de manière illégale, donc en attendant les papiers, il est même interdit pour les réfugiés de travailler. Sur ce point, Zoé met en avant le rôle des régions, puisque celles-ci ont un outil juridique qu’elles pourraient faire valoir : le permis de travail !

En conclusion, l’accueil des réfugiés se joue à tous les niveaux de pouvoir :

  • L’Union Européenne, qui ne fait pas sa part, puisqu’elle n’accueille que très peu de personnes en comparaison au Liban, par exemple ;
  • La Belgique fédérale, qui mène, pour le moment une politique de non-accueil avec des procédures inappropriées. À ce niveau, on pourrait octroyer des visas humanitaires ;
  • Les régions, qui pourraient faciliter l’intégration en permettant l’accès au travail ;
  • Les communes, en facilitant l’intégration locale et en proposant un suivi tout au long de la procédure.

1Au contraire des mineurs étrangers non accompagnés (MENA), qui eux, peuvent faire la demande plusieurs fois, dans différents pays de l’UE.
2Qui peut donner le nom du gouverneur de la province de Liège ?

Nos thématiques

Voir toutes les thématiques