LIRE : Une planète à bout de souffle. Réduire, imaginer, agir

« Pour éviter une misère généralisée et une perte catastrophique de biodiversité, l’humanité doit adopter une alternative plus durable écologiquement que la pratique qui est la sienne aujourd’hui. »

Tel était le message dans la revue « Biosciences » de 15 000 scientifiques en marge de la COP 23 au mois de novembre dernier. Autrement dit, notre modèle de civilisation détruit chaque année un peu plus le capital naturel qui assure aux populations un avenir digne et désirable.

Chacun a sa part de responsabilité. Donald Trump, bien sûr, qui, par son absence d’engagement sur le climat, met en péril le monde entier. Mais aussi la grande majorité des décideurs politiques dont les décisions restent soumises au dogme de la croissance du PIB. « Produire, consommer et croître toujours plus ! » demeure le discours majoritaire de nos représentants. Or, notre planète est limitée. Cette politique du « toujours plus » repose sur la croyance en une disponibilité infinie de ressources comme les forêts, les minerais, les sols, les stocks de poissons mais également les énergies fossiles comme le pétrole ou le gaz naturel. Par ailleurs, notre modèle de croissance continue à malmener des systèmes dont la stabilité est pourtant vitale pour les sociétés humaines : le climat, mais aussi les écosystèmes ou les cycles de l’eau et de l’azote.

Vu l’importance des menaces qui pèsent sur l’humanité, il est urgent de changer de logiciel et d’amorcer de véritables ruptures ! Bousculons nos habitudes et ouvrons notre imaginaire ! C’est ce à quoi Justice et Paix s’est attelée, à son échelle, dans son étude « Une planète à bout de souffle. Réduire, Imaginer, Agir ».

Avant de consommer autrement, consommer moins

Les limites physiques d’un monde fini exigent une transformation de notre rapport au monde, de nos besoins et de nos désirs. Il importe non seulement de consommer « autrement », mais avant cela, de consommer « moins ».

Quand on y réfléchit, l’accumulation sans borne d’objets de toutes sortes permet-elle réellement d’être plus heureux ? L’éclairage des magasins pendant la nuit, même avec des leds, est-il indispensable ? L’épanouissement d’un enfant dépend-il, avant tout, de la quantité de jouets (même en plastique recyclé) qu’il reçoit chaque année ? La quantité inouïe de papier, d’encre et d’écrans plats utilisés par les publicitaires pour nous vendre des produits à l’utilité questionnable et à l’obsolescence planifiée dans le temps apporte-t-elle un quelconque progrès à l’humanité ? Avons-nous réellement besoin de voitures équipées « full option », dont la carrosserie et le moteur nous permettent techniquement de monter jusqu’à 260 km/h alors que la vitesse est limitée légalement à 120 km/h ? Les exemples d’absurdité de la société de consommation sont innombrables.

Dès aujourd’hui, un virage politique à 180 degrés !

Toutefois, la libération du productivisme et du consumérisme ne peut être uniquement une démarche individuelle. À l’éthique personnelle doivent être associés des engagements politiques.

Il s’agit de créer des systèmes d’organisation sociale, économique et politiques capables de garantir une vie digne pour chacun, tout en étant compatibles avec les limites physiques de notre planète. En s’inspirant par exemple des travaux de Serge Latouche, de Pablo Servigne ou de Philippe Bihouix, il s’agit de recycler, réparer, remplacer, récupérer, réduire, redistribuer, repenser, mais aussi d’imaginer, de rêver et d’agir collectivement.

Nos représentants ont les moyens d’agir à plusieurs niveaux en faveur d’une gestion responsable et durable des ressources naturelles. Ceux-ci peuvent voter des lois, règlements et normes techniques de qualité concernant les produits ou les modes de fabrication et les assortir de sanctions en cas de non-respect. Ils devraient aussi inciter davantage les entreprises afin qu’elles adoptent des comportements durables comme l’écoconception, c’est-à-dire, la conception de produits pensée en vue de la réparation, de la récupération de pièces et du recyclage. Les produits et comportements non durables pourraient être davantage pénalisés. Nous pensons particulièrement aux produits destinés à être obsolètes après une durée déterminée, les objets hautement inutiles ou trop complexes pour être envisagés dans une économie circulaire. Parallèlement, on est en droit d’attendre de nos décideurs politiques que soient soutenues les activités sociales, collaboratives et écologiques telles que les « repair café », les pratiques agrobiologiques ou les différentes initiatives citoyennes de Transition.

En tant que citoyens ou représentants du monde associatif, nous avons un rôle à jouer ! La lutte contre le CETA et le TTIP a démontré que lorsqu’on agit de façon coalisée, les lignes peuvent bouger. Les prochaines élections 2018 et 2019 sont des opportunités à saisir pour interpeller le pouvoir politique ! Nous n’avons plus le luxe d’attendre plus longtemps.

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Valéry Witsel | Justice et Paix