Palestine : Fragmenter pour mieux occuper

En avril 2019, nous étions 14 jeunes, accompagné‧e‧s de Sylvie et Stan de l’Association Belgo Palestinienne, à parcourir les territoires occupés de Palestine durant une dizaine de jours.

Une dizaine de jours, lors desquels nous avons rencontré des Palestinien·ne·s comme des Israélien·ne·s, tou·te·s engagé·e·s contre l’occupation. Ce voyage avait pour but de nous faire entrevoir la réalité derrière celle-ci.

Et, après l’avoir un peu mieux entrevue, d’un peu mieux savoir en parler. Ces deux exigences-là étaient d’ailleurs les seules pour bon nombre de nos correspondant·e·s lors de nos entretiens avec elleux.

On ne vous apprendra rien en vous disant que cette réalité est rythmée de violence

Mais prenons le temps de comprendre de quelle violence on parle. Celle-ci n’est pas unique : elle est multiple et complexe. En effet, lors de notre voyage, nous avons pu comprendre qu’elle n’est pas seulement physique.

Selon l’association BADIL, que nous avons rencontrée à Bethlehem, organisation juridique qui lutte pour un droit de retour et pour le respect du droit international sous l’occupation, l’état d’Israël exerce une double stratégie pour éliminer le peuple palestinien de son territoire. En employant notamment la violence physique d’un côté mais, de l’autre, en instaurant d’innombrables contraintes aux Palestinien·ne·s pour que leur environnement soit le plus étouffant possible.

La société palestinienne n’est pas uniforme, et la vie sous l’occupation ne l’est pas non plus. Il y demeure avant tout des inégalités sociales. Certain·e·s tireront profit de l’occupation et d’autres en paieront d’autant plus le prix. Aussi, sans s’attarder sur la complexité de l’administration palestinienne, il est important de rappeler que les territoires sont divisés entre Jérusalem et la Cisjordanie, elle-même divisée en trois zones (A,B,C) soumises dans des proportions différentes aux autorités israéliennes. Pour exemple, la zone C est exclusivement sous contrôle administratif et militaire israéliens, et elle occupe 62% de la Cisjordanie. Dans cette zone, construire une habitation est par exemple une mesure qui exige la demande d’un permis, ce qui n’est pas le cas en zone A. Chacune de ces régions est donc légiférée différemment. Ce qui implique que les contraintes, à nouveau, ne seront pas les mêmes pour tou·te·s. Enfin, il faut ajouter que la légifération sous l’occupation est un concept très variable, et qu’elle semble pencher presque toujours en faveur de la partie israélienne.

Dans l’ensemble, la société palestinienne est donc profondément fragmentée, et ce de manière très complexe

Tout est établi pour que la situation soit impossible à comprendre, impossible à quantifier, et d’autant plus insupportable. Mais cette fragmentation est bien évidemment organisée selon un système bien cohérent ayant pour unique but de subordonner la population palestinienne toute entière aux autorités israéliennes.

En fragmentant la population, Israël vise aussi à fragmenter les esprits de chacun·e de ses individu·e·s.

Tout ceci relève d’une seconde forme de violence : psychique cette fois.

C’est sur le long terme que cette violence prend le plus d’importance. Nous l’avons nous-mêmes ressenti durant ces dix jours : il est d’autant plus difficile de garder la tête haute lorsque tout au quotidien – et ce depuis des dizaines d’années – nous pousse à la perdre. Le peuple palestinien est épuisé, et la droitisation du pouvoir israélien, qui rime notamment avec une liberté de plus en plus grande pour les colons et leur violence physique, laisse peu d’espoir pour les années à venir.

Pourtant, à l’achèvement de ce voyage, chacun·e d’entre nous en est ressorti·e convaincu·e : il demeure une force immense

Un force qui résonnait en chacune de nos rencontres, de nos poignées de mains, en chacun des sourires et en chacun des regards que nous avons pu échanger. Une force qui nous a semblé infinie, intemporelle. Une force qui maintient et maintiendra les têtes hautes, les esprits cohérents, et ce pour toutes les générations. Une force qui permet aux Palestinien·ne·s de résister, d’exister, et de faire preuve de résilience.

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Pauline Arnould