Vivre en yourte

Comment on arrive à vouloir vivre en yourte ? Je me suis souvent questionnée sur la façon dont j’ai envie de vivre.

Les propositions classiques d’habitats ne répondaient pas à mon envie/besoin de plus de sobriété. Je voulais trouver un projet d’habitat qui avait du sens et qui me permettait d’agir sur ma plus grande contradiction : comment se dire anticapitaliste quand tous les aspects de ma vie sont capitalistes ?

Bien que nous subissons ce système, comment faire pour en sortir au moins un peu ? Comment sortir de cette frénésie au toujours plus, cette boucle infernale dans laquelle je me sens piégée.

Cette question couplée à la peur de l’effondrement, au besoin de me préparer à la possibilité de vivre dans un monde de pénuries énergétiques et alimentaires et le besoin d’agir à mon échelle m’a poussé à regarder des heures de vidéos sur les personnes vivant dans des habitats autonomes et/ou résilients. Vivre en yourte est devenu le choix évident. C’est l’habitat qui me permettrait d’avoir une surface habitable suffisante pour mon bienêtre, tout en ayant un moindre impact sur la nature qui m’entoure.

C’est aussi l’habitat qui me permettra de me rapprocher d’un mode de vie plus simple et plus résilient et de répondre à mon écoanxiété.

Du rêve à la réalité

La législation ne permet malheureusement pas de s’installer facilement en habitat léger.

C’était donc l’une des premières choses sur laquelle je devais me pencher. Demander un permis pour un habitat léger est possible, mais les démarches administratives sont complexes et les refus fréquents. Je n’étais pas prête à m’engager dans ce projet, acheter un terrain et faire un prêt sans avoir un semblant de certitude que je pourrais m’y installer.

En parallèle de mes recherches, mes réflexions sur la façon dont je voulais vivre continuaient.

Je me suis alors rendu compte qu’habiter en yourte seule sur un terrain ne faisait pas beaucoup de sens. J’avais envie de pouvoir partager mon mode de vie avec d’autres personnes.

L’habitat groupé semblait répondre à mes problématiques. C’est la possibilité, à la fois de créer un véritable petit écolieu, entouré de personnes qui partagent mes valeurs, et de résoudre ma problématique de permis. En effet, en Wallonie, il y a une possibilité d’avoir une autorisation pour un logement provisoire sans permis d’urbanisme lorsque l’on réalise des travaux ou que l’on construit son habitation. C’est souvent une des astuces pour pouvoir installer un habitat léger pour quelques années1 .

Avec ma sœur qui m’accompagne dans ce projet, nous avons donc acheté une grange à rénover avec pas mal de terrain : uniquement quatre murs et des travaux qui vont durer au minimum 5 ans.

Ce choix, permettant d’atteindre mon but plus rapidement et plus facilement, a plusieurs désavantages.

Premièrement, j’ai dû contracter un prêt. Le marché de l’immobilier est tel que deux jours après avoir visité le lieu, nous devions faire une offre sinon le bien nous aurait échappé. Bien que je voulais m’éloigner du capitalisme, me voilà endetter auprès d’une banque ni éthique et ni durable, pendant 25 ans.

Deuxièmement, on parle bien d’un logement provisoire, cela implique une autorisation uniquement durant la période de travaux, et pas de raccordement légal possible à l’électricité ou à l’eau.

La yourte en pratique

Les yourtes se constituent généralement d’un plancher, de deux poteaux centraux, d’un treillis en bois pour les murs, de perches et d’une couronne pour le toit. Le tout est entouré d’un coton intérieur, d’un pare vapeur, d’une couche d’isolant et finalement d’une toile extérieure. Tout est construit séparément. Ensuite en 1 à 3 jours, on fait le montage de toutes les pièces ensemble.

Personnellement, j’ai fait appel à un constructeur de yourtes qui laisse la possibilité de faire une partie des éléments de la yourte en autoconstruction. En fonction de notre niveau et nos connaissances du domaine de la « construction », on peut choisir ce qu’on veut prendre en charge. Faire une partie soi-même permet de diminuer le coût de la yourte.

Afin d’économiser un maximum d’argent et d’apprendre les bases de la construction, j’ai décidé de faire un maximum d’éléments moi-même2.

De janvier à mai, j’ai donc passé la plupart de mes week-ends, accompagnée de ma famille, à construire des éléments de ma yourte. Le constructeur nous avait fourni un mode opérateur avec toutes les mesures et les indications à suivre pour la réalisation des différentes parties.

En mai, nous avons posé le plancher et en juin, accompagné de 15 personnes nous avons monté la yourte en un jour.

Combien ça coûte ?

Les yourtes ont différentes tailles, elles peuvent aller de 4 mètres à 9 mètres de diamètre. Plus elle est grande, plus elle coûte cher.

Ma yourte fait 7 mètres de diamètre, ce qui représente environ 35 mètres carrés et avec la mezzanine s’ajoute environ 8 mètres carrés.

Au prix des matériaux de fin 20213 , elle aurait coûté environ 33 000 euros4 si je n’avais rien fait moi-même. L’autoconstruction m’a permis d’économiser environ 8 000 euros sur la main-d’œuvre.

Ce montant peut paraître élevé pour un habitat léger, dont l’un des principaux arguments est le coût faible par rapport à un habitat classique. Il est possible de se fournir une yourte moins chère, aux alentours de 15 000 euros. Mais ce sont souvent des yourtes de loisir moins adaptées à la vie quotidienne, aux conditions météorologiques belge et moins durable dans le temps.

J’ai donc choisi de me tourner vers un constructeur qui me garantit une transparence sur la provenance et la durabilité des matériaux utilisés, mais également un savoirfaire adapté à la Belgique et ses conditions météorologiques.

La vie en yourte ça donne quoi ?

À l’heure où j’écris ces lignes, ma yourte est montée, mais je ne vis pas encore dedans. Il me reste à faire l’aménagement intérieur (mezzanine, mobilier, etc).

Les principaux inconvénients souvent mentionnés pour la yourte sont la faible insonorisation, c’est-à-dire que contrairement à une maison, le bruit extérieur pénètre facilement à l’intérieur.

Le deuxième inconvénient est la faible inertie thermique, c’est-à-dire que quand il fait froid dehors, il fait froid dedans et l’inverse est vrai aussi pour la chaleur. Cependant, une fois le poêle à bois allumé, il fait très agréable dans la yourte.

Ces deux inconvénients n’en sont pas pour moi. Dans ma quête de vivre autrement, je souhaite me rapprocher plus de la nature. Entendre les oiseaux tôt le matin ou pouvoir se rendre compte de la température extérieure avant de sortir de chez moi sont des inconforts qui me conviennent, car plutôt que de contrôler la nature, je souhaite m’y adapter.

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1 Le Code d’aménagement du territoire wallon (CoDT) prévoit la possibilité d’installer des cabanes de chantiers pendant les travaux, ceux-ci peuvent être l’habitat provisoire de la personne effectuant les travaux

2 Avec l’aide d’une personne travaillant dans le bâtiment

3 Le prix des matériaux et notamment du bois ayant extrêmement augmenté, le prix actuel doit être supérieur

4 Ce prix ne prend pas en compte : la mezzanine, le mobilier, cuisine, salle de bain, etc

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