Les travailleureuses sans papiers : variable d’ajustement du « nouveau » capitalisme

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Il t’arrive parfois de commander sur UberEats ou Deliveroo ? Sais-tu ce qui se cache derrière ces plateformes ? Depuis quelques années, avec l’essor de l’économie en ligne, de nouveaux concepts économiques ont émergé. L’un d’eux est le capitalisme de plateforme. Le principe est simple : mettre en contact un·e consommateur·ice avec un prestataire. Dans ce cas précis, il s’agit de restaurants, snacks ou autres types de petite restauration.

Le modèle économique de ces plateformes est tout aussi simple : la majorité des bénéfices atterrissent dans les poches de leurs propriétaires, tandis que les autres acteurs (notamment les travailleur-euses) sont largement laissé·es pour compte. Cette répartition inégale est aggravée par les statuts prétendument indépendants que ces plateformes proposent à leurs livreur·euses, mais qui s’avèrent en vérité être des pièges.

En réalité, ces plateformes exploitent le statut d’« indépendant » pour contourner les lois sur le droit du travail, privant ainsi les travailleureuses d’une protection sociale pourtant essentielle, surtout dans ce type d’activité où les accidents surviennent régulièrement.

[les personnes sans papiers] représentent près de la moitié des livreur·euses à Bruxelles

Les premières victimes de ce capitalisme numérique sont les personnes les plus précaires de notre société en recherche d’emploi et exclues du marché du travail traditionnel. Parmi elles, on trouve en majorité des personnes sans-papiers, qui représentent près de la moitié des livreur·euses à Bruxelles, l’autre étant des étudiant·es précaires. Dépourvu·es de titre de séjour légal, ces travailleur·euses ne peuvent pas s’inscrire officiellement sur les plateformes et sont donc contraint·es de travailler sous une fausse identité. Cela a conduit à la mise en place d’un véritable système de location et de vente de comptes UberEats ou Deliveroo. Des personnes en séjour régulier créent des comptes qu’elles louent ensuite à des personnes sans-papiers, moyennant des montants allant de 70 à 100 euros par semaine.

Pour les livreur·euses, le revenu moyen est d’environ 4,40 euros par course, sans prendre en compte les temps de retours vers les points centraux, où se trouvent les restaurants. En Belgique, le peu d’enquêtes disponibles sur la question estiment que les livreureuses effectuent entre 1,25 et 2,5 commandes par heure. Si l’on fait le calcul, on constate rapidement l’ampleur de l’exploitation que représente ce système.

Pour les sans-papiers, ces jobs ressemblent à ce qu’on pourrait qualifier d’esclavage moderne

À première vue, on pourrait se laisser convaincre par l’argument du flexijob, qui permettrait de générer des revenus complémentaires. Mais dans les faits, ce sont avant tout ceux et celles qui n’ont pas d’autre choix qui se tournent vers ces emplois dépourvus de droits sociaux (congés payés, mutuelle, week-end, …).Pour les sans-papiers, ces jobs ressemblent à ce qu’on pourrait qualifier d’esclavage moderne.

Ce sont ces travailleureuses précaires qui font tourner ces plateformes, en pleine croissance depuis la crise du Covid-19. Ces entreprises ont enregistré une aug-mentation de 65 % de leur clientèle durant cette période. Aujourd’hui, un·e Belge sur trois déclare utiliser ces services. Ce « nouveau » capitalisme, présenté comme une opportunité, s’avère finalement aussi pernicieux que le capitalisme « traditionnel ». Il repose sur l’exploitation des plus vul-nérables, en l’occurrence les sans-papiers.

Pourtant, une solution juste et simple existe : offrir un statut légal à ces travailleuses et travailleurs. Dans les faits, ces personnes comblent déjà des pénuries dans de nombreux secteurs, comme la construction, l’horeca ou les services à la personne… Iels travaillent sans compter leurs heures, au détriment de leur santé et de leur bien être, tout en étant privé·es de toute protection sociale. Pour parvenir à une véritable justice sociale, la régularisation des travailleuses et travailleurs sans-papiers est la seule solution viable.

 


– Sanchou Kiansumba

 

 

 

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