TW : Propos racistes
« Déjà nous nous faisons harceler de contrôle au quotidien alors que nous n’avons rien à nous reprocher et durant les contrôles, les policiers (pas tous mais beaucoup) nous sortent des propos comme ‘les gens de son espèce ça court vite’, ‘le macaque’…etc. »
Ce témoignage recueilli par le Forum des Jeunes pour son enquête auprès des 16-30 ans au sujet du racisme en Belgique en 2024 illustre d’une certaine manière ce qu’est le racisme institutionnel.
Rien d’anecdotique, si ce n’est en réalité une représentation de ces différentes interactions teintées de racisme subies par les personnes racisé·es au sein des différentes institutions belges conduisant ces dernières à développer une certaine méfiance et parfois une défiance envers celles-ci. Créant par l’occasion un mal-être pour les concerné·es. D’ailleurs, un autre témoignage recueilli poursuit en posant la question de savoir « où se plaindre quand même la police est parfois raciste ? ». Qu’est-ce donc le racisme institutionnel ? Comment se manifeste-t-il ? Quelles sont les mesures prises par la Belgique pour lutter contre ce fléau ?
« Où se plaindre quand même la police est parfois raciste ? »
I. Le racisme institutionnel
Le racisme institutionnel fait référence aux politiques, pratiques et normes au sein d’institutions comme : les écoles, les entreprises ou le système judiciaire qui désavantagent systématiquement certains groupes raciaux. En d’autres termes, il s’agit de la manière dont les institutions, par leurs règles et leurs pratiques, perpétuent les inégalités raciales. La notion de racisme institutionnel, comme le souligne Fabrice Dhume, vise ainsi à étendre la portée de l’analyse du racisme et à changer le centre de gravité des individus vers des mécanismes institutionnalisés et structurels de production d’inégalités et de racisation. Dans ses travaux sur le logement social en France, Valérie Sala Pala dira qu’il y a racisme institutionnel lorsque, en dehors de toute intention manifeste et directe de nuire à certains groupes ethniques, les institutions ou les acteurs au sein de celles-ci développent des pratiques dont l’effet est d’exclure ou d’inférioriser de tels groupes.
En résumé, le racisme institutionnel se concentre sur les inégalités au sein d’institutions spécifiques. Il est donc important de savoir comment il se manifeste.
[…] des politiques qui portent systématiquement atteintes aux droits des personnes d’origine étrangère ou celles issues de minorités ethniques.
II. Comment il se manifeste ?
Le racisme institutionnel en Belgique se manifeste à travers diverses institutions, notamment celles liées à la santé publique, au système éducatif, au marché du travail, aux services publics et au système judiciaire.
Cela se traduit par des pratiques et des politiques qui portent systématiquement atteinte aux droits des personnes d’origine étrangère ou celles issues de minorités ethniques à travers par exemple des biais dans les procédures d’embauche, des inégalités dans l’accès à l’éducation ou des traitements discriminatoires dans le système judiciaire.
Pour mieux illustrer l’ampleur du phénomène, Unia a ouvert 897 dossiers concernant les critères « raciaux » en 2021, soit 32,4% de tous leurs dossiers. 16,9% de ces dossiers concerne l’emploi. En effet, on observe de nombreux cas de refus d’embauche en lien avec ce critère, qu’ils soient fondés ou non soit 18,8% des dossiers. Les personnes avec des noms perçus comme « non belges » peuvent par exemple rencontrer des difficultés à obtenir des entretiens d’embauche, même si leurs qualifications sont identiques à celles de candidat·es belges.
En matière de logement, il s’agit principalement du refus de visites ou de location par les institutions publiques en charge aux personnes racisé·es sur la base de ce seul critère.
Pareil dans le domaine de l’éducation ou des études ont montré que les élèves issus de l’immigration peuvent faire face à des attentes plus basses de la part des enseignant·es, ce qui peut affecter leurs performances scolaires et leurs opportunités futures.
De plus en plus de recherches ont également révélé des biais dans le traitement des personnes par la police et le système judiciaire, où les minorités ethniques peuvent être davantage ciblées ou faire face à des discriminations lors des procédures légales.
Pour les personnes racisées qui migrent en Belgique c’est donc la double peine.
III. Quels liens entre immigration et racisme ?
À l’arrivée dans un nouveau pays, dont on ne parle pas nécessairement la langue, le chemin pour trouver un logement, un emploi, une école pour ses enfants, une vie normale est semé d’embûches. Celles-ci sont institutionnelles aussi (administratives, légales, financières…) et sont rendues de plus en plus restrictives par les gouvernements européens sous couvert de la “gestion de la crise migratoire”. Par ailleurs les personnes en demande de protection internationale en Belgique sont souvent vues et traitées par l’administration comme des coupables de droit communs alors qu’iels ne font que user de leur droit à la protection régi par les conventions internationales ratifiées par la Belgique (conventions de Genève, convention relative au statut des réfugié·es…etc). Cela se traduit concrètement par des délais d’attente trop longs créant une inégalité de traitement et un manque de clarté sur les informations fournies basées sur le seul critère de la couleur de peau ou de l’origine des demandeureuses. Pour les personnes racisées qui migrent en Belgique c’est donc la double peine.
IV. Quelles mesures pour lutter contre ce phénomène ?
Pour lutter contre le racisme institutionnel, il est essentiel de mettre en place des politiques publiques qui promeuvent l’égalité et la justice sociale, ainsi que de sensibiliser la population aux enjeux liés à la discrimination raciale. Dans ce contexte, un plan d’action national intitulé « mesures fédérales du plan d’action nationale contre le racisme » a été adopté au niveau fédéral pour la période 2021-2024. De même pour la région bruxelloise. La Fédération Wallonie-Bruxelles et la Région wallonne se sont également dotées chacune de leur plan de lutte contre le racisme pour la période 2023-2026. Toute une série de lois ont également été adoptées pour lutter contre le racisme.
Cependant, malgré ce cadre légal, ces actes continuent de se perpétuer au quotidien, et le nouveau gouvernement, dont l’accord est plus anti-immigration et discriminatoire que jamais, ne présage rien de bon. Restons informé·es et sensibilisé·es. La méritocratie n’existe pas dans une société où le racisme institutionnel existe.
– Sergeot Amba
Sources :
Forum des jeunes, Du Racisme en Belgique ? Non peut-être!, 2024, p.10
Fabrice Dhume, Du racisme institutionnel à la discrimination systémique ? Reformuler l’approche critique, Centre d’Information et d’Etudes sur les Migrations Internationales I « Migrations Société », n° 163, 2016, pp. 33-36.
Valérie Sala Pala, « La politique du logement social est-elle raciste ? l’exemple marseillais », Faire Savoirs, n° 6, mai 2007, pp. 25-36 (voir p.28).
Unia est l’institution publique interfédérale indépendante qui lutte contre la discrimination et promeut l’égalité
Mesures fédérales du plan d’action nationale contre le racisme disponible ici p.5.
Plan de lutte contre le racisme en Fédération wallonie-Bruxelles disponible ici
Premier plan wallon contre le racisme disponible sur : https://guidedumigrant-provnamur.be/wp-content/uploads/2023/04/Plan-wallon-23-26_Lutte-contre-le-racisme.pdf
Loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, M.B. 8 août 1981, ci-après : « loi antiracisme » ; Loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l’approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale, M.B. 30 mars1995, ci-après : « loi sur le négationnisme ». Loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail, M.B. 18 septembre 1996. Loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination, M.B. 30 mai 2007, ci-après : « loi anti-discrimination ».