
L’enfant est concerné par le milieu carcéral dans deux positions : celle d’enfant emprisonné et celle d’enfant de parent détenu.
L’enfant emprisonné
Selon l’Unicef, plus d’un million d’enfants sont détenus dans le monde, quelle que soit la période concernée; la collecte de données est difficile et celles-ci ne prennent pas en compte les enfants en attente de jugement, en garde à vue ou les enfants détenus avec leurs parents1. Les enfants sont parfois détenus pour de longues durées, voire condamnés à la peine de mort, dans le non-respect de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (1989) qui stipule que « Ni la peine capitale ni l’emprisonnement à vie sans possibilité de libération ne doivent être prononcés pour les infractions commises par des personnes âgées de moins de dix-huit ans » et que « L’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit être en conformité avec la loi, n’être qu’une mesure de dernier ressort, et être d’une durée aussi brève que possible » (art.37). Certains enfants privés de liberté le sont dans un contexte de demande d’asile, de vagabondage, de handicap, de discriminations (raciale, religieuse, ethnique, politique), etc.
Les enfants ont des besoins spécifiques et, comme le souligne l’ONG Humanium, « Très souvent des enfants sont enfermés dans des prisons dont les conditions ne remplissent pas les critères internationaux »2, avec des conséquences préjudiciables en ce qui concerne leurs droits, leur développement, leur sécurité, leur santé physique et psychologique, leur éducation. Cela aura un impact sur leur avenir et leurs possibilités de réintégration dans la société. En Belgique, les seuls mineurs qui séjournent en prison sont les bébés qui y vivent avec leur mère et, de manière rarissime et exceptionnelle, certains mineurs âgés de minimum 16 ans.
L’enfant de détenu(e)s en Europe et en Belgique
Le 30 septembre 2011 a eu lieu la Journée de discussion générale du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, avec pour thème: « Enfants de détenus ». Une publication qui y a fait suite précise que, dans l’U.E., « 800.000 enfants sont séparés chaque année d’un parent emprisonné et que 980 bébés vivent en prison avec leur parent détenu »3.
En Belgique, au 1er mars 2014, le nombre de détenus était de 11.267 hommes et 502 femmes4; 15.000 à 20.000 enfants par an vivent l’incarcération d’un ou de deux parents. Quel vécu pour ces enfants frappés par l’incarcération d’un parent ? L’arrestation d’un proche est la source d’un chaos émotionnel amplifié par l’existence de problèmes économiques, sociaux et juridiques. J’ai travaillé, en prison ou à leur domicile, avec des enfants et adolescent(e)s dont un parent était détenu. Leurs problèmes occupaient toutes les sphères : celle du comportement, du sommeil, de l’alimentation, de la propreté ; on parlait agressivité, mensonges, culpabilité, honte, souffrance face aux moqueries et au jugement, … Une fillette vomissait tous les matins avant de partir à l’école ; une autre était agressive et colérique au point que sa mère la frappait de plus en plus souvent, ses résultats scolaires chutaient ; une adolescente fuguait, volait et fréquentait des toxicomanes ; un adolescent allait devoir intégrer un hôpital psychiatrique.
Plusieurs facteurs influent sur les effets de l’incarcération et font de chaque situation une histoire unique. L’enfant doit “métaboliser” ce qu’il est en train de vivre, avec de grandes variables : son âge, sa sensibilité, son équipement psychique, sa situation familiale, l’investissement affectif à son égard, les conflits de loyauté, les fonctions diverses qui lui sont assignées, les secrets et les non-dits éventuels à l’extérieur ou à l’intérieur de la famille, les relations avec ses copains de classe (risquer de les perdre en leur disant que papa est en prison ou perdre leur confiance en ne disant rien ?), la place que vont lui octroyer les acteurs judiciaires (témoignage au procès d’assises d’un parent ?), les enjeux dont il sera l’objet, l’instrumentalisation qui pourra être faite de lui (être utilisé, par ex, pour faire entrer de la drogue en prison) et les conséquences négatives des problèmes qui surgissent dans son cadre de vie.
L’application des droits des personnes détenues et de ceux des enfants concernés par le milieu carcéral est donc primordiale, de même que le soutien des structures qui œuvrent dans le suivi des personnes incarcérées et de leurs enfants.
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Dominique Alles, pédopsychiatre et criminologue
1. UNICEF, Progrès pour les enfants. Un bilan de la protection de l’enfant. Numéro 8, septembre 2009. p.20.
2. http://www.humanium.org/fr/enfants-detenus/
3. Condamnés Collatéraux : Les enfants de détenus. Recommandations et bonnes pratiques de la Journée de discussion générale 2011 du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies. Olivier Robertson. Publication Droits de l’homme et réfugiés. Quaker United Nations Office. Juin 2012.
4. http://statbel.fgov.be/fr/statistiques/chiffres/population/autres/detenu/