La création monétaire

Vous êtes-vous déjà demandé par qui et comment était créé l’argent ? Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la création monétaire n’est plus, depuis longtemps, la chasse-gardée des banques centrales des états.

Ce sont les banques privées qui ont le privilège de créer la majeure partie de la masse monétaire.

Pour ce faire, il leur suffit d’octroyer des crédits.

En créditant le compte de l’emprunteur, la banque crée de l’argent (de la masse monétaire) à partir de rien (« ex nihilo »). C’est (presque) aussi simple que ça. Heureusement, les banques commerciales doivent tout de même respecter certaines contraintes dites prudentielles, notamment en matière de réserves obligatoires, et de ratios de fonds propres et de liquidités. Ces règles sont supposées assurer la solidité des banques et la stabilité du système financier et éviter un emballement total de la création monétaire.

Pour respecter ces contraintes réglementaires et exercer leurs activités, les banques doivent fréquemment elles-mêmes se procurer des liquidités, soit en se prêtant les unes aux autres sur le marché interbancaire, soit en empruntant auprès de leur banque centrale, laquelle peut virtuellement créer autant de monnaie qu’elle le souhaite (on parle de prêteur de dernier ressort).

Si la Banque Centrale Européenne (BCE) et les banques centrales des états membres peuvent financer les banques commerciales, elles ne peuvent, par contre, pas financer (directement) les états membres. L’article 123 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (le TFUE) le leur interdit. Cette règle se veut l’une des garanties de l’indépendance de la BCE, particulièrement chère aux économistes libéraux orthodoxes. Selon ces dernier·e·s, une banque centrale ne doit servir à rien d’autre qu’à maintenir la stabilité des prix (en limitant l’inflation) et à préserver le système financier. Ce sont les marchés financiers qui doivent décider de l’allocation de la création monétaire.

Mais la BCE (assistée des banques centrales nationales) triche un peu avec ces règles. Pour faciliter le financement des états membres sur les marchés financiers, et fournir des liquidités aux banques commerciales, la BCE a lancé au début de l’année 2015, un large programme de rachat d’obligations (essentiellement) étatiques dans la zone euro.

Comme les banques commerciales avaient la quasi-certitude que les titres de dette publique seraient rachetés par la BCE, elles savaient aussi que le risque qu’elles prenaient en achetant ces titres serait faible. Forcément, cela a eu un effet positif sur les conditions de financement des états.

Ce programme de rachat, que l’on nomme assouplissement quantitatif et qui s’est poursuivi jusqu’à la fin 2018, a mené à l’injection (et à la création) de près de 2.600 milliards d’euros dans l’économie. Certain·e·s estiment que cet assouplissement quantitatif a permis d’éviter un cycle déflationniste dans la zone euro.

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Lionel Legrand et Lucien Standaert