Plaidoyer pour une éducation inclusive et sans compétition, en vue d’une société solidaire

L’enseignement spécialisé est une filière méconnue du grand public.

C’est pourquoi j’ai choisi de l’aborder dans cet article et de développer un point de vue sur le système scolaire et certaines des améliorations qu’on pourrait prévoir.

L’organisation de l’enseignement spécialisé, cette section réservée aux enfants dits handicapés, est difficile à appréhender. En effet, en Belgique, il n’y a pas un type d’enseignement spécialisé mais bien 8. Si l’objectif avoué de l’existence de ces 8 types est de fournir un enseignement adapté à chaque enfant, la réalité est bien moins rose. Car l’enseignement spécialisé, tous types confondus, accueille davantage d’enfants issus de milieux défavorisés et de minorités ethniques. Pourtant, génétiquement, le handicap touche tous les milieux, toutes les populations.

De manière plus forte encore que le technique ou le professionnel, l’enseignement spécialisé est une filière où sont relégués les enfants dont le système scolaire ne veut pas

Cette discrimination résulte d’un handicap, qui peut être tant physique ou psychologique que culturel ou social. A ce handicap s’ajoutera alors un nouveau stigmate : celui qui est propre à la fréquentation de l’enseignement spécialisé.

Cela dit, l’enseignement spécialisé a des aspects positifs

Les classes sont plus petites, ce qui permet aux enseignants d’aider davantage chacun de leurs élèves, voire de mettre en place une pédagogie différenciée pour chacun d’eux. D’après mes observations, il semble également que les professeurs soient plus attentifs aux émotions de leurs élèves et cherchent à les valoriser un maximum. Certains de ces élèves ont été dans l’ordinaire avant d‘atterrir dans le spécialisé. Ceux-là ont vécu quelques événements qui ont affaibli leur estime d’eux-mêmes (mauvaises notes, remarques dégradantes d’élèves et de professeurs de l’ordinaire, et pour finir inscription dans l’enseignement spécialisé) et ont donc bien besoin de ces valorisations. Cependant, on peut s’interroger sur ce système : l’enseignement ordinaire produit des élèves peu confiants et certains d’entre eux sont finalement envoyés dans le spécialisé où le personnel tente de leur redonner confiance en eux. Alors, pourquoi ne pas repenser l’enseignement ordinaire ?

Un enseignement inclusif des élèves à besoins spécifiques et des écoles mélangeant réellement toutes les origines sociales et culturelles permettraient non seulement de lutter contre les inégalités scolaires mais aussi de générer des individus épanouis, et de faire passer des valeurs de tolérance et d’ouverture aux adultes de demain, et à leurs parents qui sont ceux d’aujourd’hui.

Cette refonte de l’organisation de l’enseignement devrait aller de pair avec la suppression des cotations

Oui, vous savez ces points que les enfants ramènent à la maison en étant fiers ou complètement déconfits ? On a tendance à penser que sans les notes, les enfants ne seraient plus motivés à apprendre. Cela exprime en réalité l’emprise qu’a la forme scolaire actuelle sur notre manière de penser.

Ne dit-on pas que c’est en se trompant qu’on apprend ? Qu’en cherchant les informations par soi-même, on s’amuse davantage et on retient mieux ? Que l’on peut vérifier notre connaissance en la transmettant à quelqu’un d’autre ? Tous ces aspects sont mentionnés dans le Pacte d’Excellence pour avoir été cités dans un rapport de l’OCDE comme principes nécessaires à la création d’environnements d’apprentissage de qualité. Pourtant, le Pacte d’Excellence reste très vague sur le côté actif des élèves. Il faut reconnaitre qu’il préconise la suppression d’une partie des évaluations certificatives pour plus d’évaluations formatives. Est-ce suffisant ? L’avenir le dira. Mais il me semble en tout cas que le redoublement et les orientations vers les filières de relégation (enseignement technique, professionnel ou spécialisé) sont avant tout provoqués par l’association quelque peu arbitraire que nous faisons entre âges et apprentissages. Si les écoles favorisaient l’entraide entre les élèves quels que soient leurs âges et leurs difficultés, les élèves pourraient évoluer chacun à leur propre rythme et se sentir valorisés, que ce soit dans leurs apprentissages ou dans leurs transmissions à leurs pairs.

Enfin, un enseignement incluant les élèves en situation de handicap, favorisant réellement la mixité sociale et culturelle en son sein et valorisant l’entraide tout au long du parcours scolaire serait certainement bénéfique pour une transition vers une économie plus coopérative au sein d’une société solidaire.

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Jéromine Gehrenbeck