Lors de notre voyage, nous avons participé à la manifestation hebdomadaire de Bil’in,
un village à l’ouest de la Cisjordanie dont les habitants d’une part importante des terres avaient été expropriés par la construction du mur.
Après la manifestation, des jeunes, dont un que nous avions rencontré quelques jours auparavant, sont venu-e-s masqué-e-s pour lancer des pierres avec leur fronde sur les soldats israéliens. Comment devons-nous nous positionner par rapport à ces actes de résistance ? Quelles limites pose la posture de la non-violence ? Parti-e-s de nos expériences militantes belges et alimenté-e-s par d’autres rencontres dont les Sioux de Standing Rock, nous avons été confronté-e-s à la situation en Palestine.
La violence, un mot valise
Qu’entend-on par violence ? Pour certain-e-s, écrire sur un mur peut-être pris comme un acte violent. Pour d’autres, déchirer une chemise (PDG d’Air France retenu par ses employé-e-s) est un acte impardonnable. Que dire alors de ces jeunes qui lancent des pierres sur les soldats israéliens, des attaques suicides aux couteaux contre les soldats ou encore des lancés de roquettes et de l’action armée ? Récemment, lors de la venue en Belgique des militante-s de Standing Rock (USA), un militant, ému par ses propres propos, nous a raconté qu’il avait refusé d’utiliser un gun (!) et qu’il s’était tourné vers la non-violence. Pourtant, en introduction, iels nous avaient montré des images d’actions qui ressemblaient à des scènes d’émeute avec des voitures brûlées. On voit que la définition de violence est très subjective et dépend fort des contextes et des expériences.
La violence d’en face
Dans le débat sur la non-violence, il est régulièrement omis d’évoquer la violence faite par le pouvoir par le biais de politiques répressives. L’occupation israélienne est d’une extrême violence tant pour ses effets concrets (destructions de maisons, expropriation, privation de la liberté de mouvement, humiliation, blocus, etc.) que pour la répression des mouvements de résistance (prisonniers politiques, arrestations arbitraires, assassinats, etc.). Lors de notre voyage, nous avons été confronté-e-s à cette violence. Nous avons vu une femme se faire humilier au check point de Kalandia, proche de Jérusalem. Nous avons rencontré des familles dont la maison avait été détruite à trois reprises dans la vallée du Jourdain, un jeune dont le frère est en prison, des personnes qui ont perdu des membres de leur famille. La présentation du débat sur la violence, avec comme unique focalisation les actions de résistance, omet la violence du pouvoir.
La non-violence, un mot qui s’oppose explicitement
Lors de notre voyage, nous avons rencontré Nasser de l’Alternative Information Center à Bethléem. Selon lui, le terme non-violence s’oppose explicitement au terme de violence. Ses partisan-e-s s’identifieraient d’abord en opposition à celleux qui utiliseraient la violence. Ces derniers créent de la division au sein du mouvement face à l’ennemi commun. Ceci fait le jeu du pouvoir dominant qui utilise le terme violent pour disqualifier les actions de résistance alors qu’il détient le monopole de la violence qu’il n’hésite pas à utiliser.
Quelle(s) posture(s) préconiser ?
Il est étonnant de constater à quel point les militant-e-s sont constamment obligé-e-s de se justifier par rapport à leur potentiel usage de violence. Au point que certain-e-s inscrivent la non violence dans leur identité (et pas seulement dans leurs modes d’action). Pourtant, il semble que cette obligation à se justifier est largement imposée par les ordres dominants (ici, Israël et ses alliés). Il s’agit ainsi d’alimenter les réflexions de l’opinion publique par autre chose que les revendications de ces groupes, permettant de cette façon de détourner l’attention des messages portés par les groupes contestataires. Dès lors, on peut s’interroger sur l’utilité des éternelles discussions sur la pertinence et sur la légitimité de la violence comme moyen de lutte, qui semblent plutôt cultiver le jugement et la division entre les mouvements contestataires. Cultivons plutôt la solidarité entre les luttes et surtout restons humbles : parfois, le meilleur soutien est d’écouter et relayer ce que celleux qui luttent ont à dire et surtout, d’accepter qu’il n’est pas toujours de notre rôle de juger de la pertinence d’un mode d’action plutôt que d’un autre.
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Charlotte Casier & Hugo Périlleux Sanchez
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Pour aller plus loin : Alors c’est qui les casseurs ? (Sur le traitement des cortèges de tête à Paris pendant les mobilisations sur la loi travail)