A quand la réforme des CPAS ?

Le Centre Public d’Action Sociale, communément appelé CPAS, est un service public crée en 1976 et organisé au niveau local

Les CPAS ont pour mission de dispenser l’aide sociale due par la collectivité, afin de permettre à chacun.e d’être en mesure de mener une existence conforme à la dignité humaine.1

Cette aide sociale peut prendre la forme d’une aide financière, le Revenu d’Intégration Sociale (RIS).

Le PIIS, un nouvel outil d’activation ?

Le RIS est le dernier rempart qui permet encore à la personne d’avoir un moyen d’existence. Cependant, celui-ci est de plus en plus conditionné par des politiques d’activation néo-libérales telles que la mise en place du Projet Individualisé d’Intégration Sociale (PIIS).
En effet, depuis novembre 2016, le PIIS est généralisé à l’ensemble des bénéficiaires du Revenu d’Intégration Sociale (RIS).

Ce dernier constitue un contrat entre la ou le demandeur·se d’aide et le CPAS, signé sous la contrainte de perdre son seul revenu. Le ou la demandeur·se s’engage à prouver son intégration socio-professionnelle par la réussite des études pour les étudiant·e·s, la recherche d’emploi, le suivi des formations, un service communautaire, etc. De cette manière, on supprime toutes les spécificités que représentent les différents parcours de vie, en imposant un modèle de réussite sociale.

Les conséquences de ce PIIS sont importantes puisque les sanctions sont lourdes. En effet, si le ou la bénéficiaire ne respecte pas ces obligations, il peut voir son RIS suspendu partiellement ou complétement.

Partant du postulat que les personnes sont responsables de leur situation, qu’elles sont une charge pour la société, ce PIIS est une manière immorale de responsabiliser les bénéficiaires. Ainsi iels devront tout mettre en œuvre pour « s’intégrer » activement dans la société et le prouver.

On ne peut pas accepter de conditionner ce droit à un revenu d’exister en mettant en place des politiques d’activation !

Le PIIS, un outil d’accompagnement pour les Assistant.es sociaux.les ?

Le PIIS est présenté aux assistant.es sociaux.les comme étant un outil d’accompagnement. Or, d’après le code de déontologie des assistant.es sociaux.les, « l’Assistant.e Social.e est compétent.e pour faire l’évaluation d’une problématique et élaborer un programme d’action visant à la résolution de cette problématique. L’Assistant.e Social.e seul.e a la responsabilité du choix et de l’application des techniques qu’il estime devoir utiliser. »

En d’autres termes, on ne peut imposer un tel outil aux assistant.es sociaux.les du CPAS, cela reviendrait à leur demander de s’éloigner du code de déontologie de leur profession.

De plus, avec la généralisation des PIIS, une nouvelle subvention particulière a vu le jour. Cette subvention fédérale, s’élevant à 10% du montant du RIS, est octroyée au CPAS dès lors qu’un PIIS est établi. Par conséquent, vous comprendrez la pression exercée sur les assistant.es sociaux.les pour son établissement.

Par ailleurs, le PIIS est davantage utilisé comme un moyen de sanction et non comme un outil d’accompagnement. Cela est d’autant plus vrai à Bruxelles et dans d’autres grandes villes où ce projet dit « individualisé », présente un caractère standardisé. En effet, le nombre élevé de dossiers des assistant.es sociaux.les ne permet pas d’utiliser ce PIIS comme un réel outil qu’on définirait contradictoirement avec le ou la bénéficiaire.

Qu’est ce qui explique cette différence de traitement ?

Le budget, l’orientation politique du CPAS sont gérés par le conseil de l’action sociale. Les conseiller.es sont directement désigné·e·s par le conseil communal et souvent parmi les élu·e·s communaux·les. Ce qui signifie que la politique d’un CPAS dépend fortement de la politique communale. Ainsi on peut craindre un risque élevé d’interférences et de politisation accrue de l’aide sociale.

Cela se traduit par le fait, qu’une même demande dans une situation similaire peut être acceptée ou refusée en fonction du lieu de résidence de la personne bénéficiaire. Cela ne remettrait-il pas en question les principes éthiques d’égalité, d’autonomie et de singularité sur lesquels tout travail social doit se fonder ?

Or en tant que service public, le CPAS se doit de traiter de la même manière les bénéficiaires se trouvant dans les mêmes conditions objectives. Et ceci ne devrait pas pour autant empêcher le CPAS d’accorder un traitement adapté à la situation spécifique du ou de la bénéficiaire.2

Actuellement, il n’existe qu’un CPAS par commune. Or, en Belgique, et surtout à Bruxelles, la pauvreté est fortement concentrée par quartier. Nous savons également que les communes où la pauvreté y est concentrée sont les communes les plus pauvres en termes de budget.

De plus, les conseiller.es politiques ont la possibilité de décider du sort des personnes précarisées. Or, il faut absolument dépolitiser les CPAS afin qu’un réel travail social puisse exister !

C’est pourquoi il serait plus judicieux de repenser l’ancrage local des CPAS ainsi que la représentation politique et son niveau de compétence au sein de ceux-ci. Par exemple, de manière à ce que les CPAS soient répartis par quartier et siégés par des conseiller·e·s issu·e·s de la société civile et/ou des expert.es en travail social tout en octroyant plus de souveraineté à l’assistant.e social.e pour tout ce qui relève davantage de sa compétence.

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1  https://www.socialsecurity.be/citizen/fr/aide-cpas/aide-financiere/que-fait-un-cpas

2  http://www.ocmw-info-cpas.be/fiche_FV_fr/le_cpas

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Séra Sarac