Pourquoi l’écriture inclusive ?

Le sexisme traverse toutes les couches de notre société : nos salaires, nos espaces publics, nos loisirs, nos attitudes…

C’est donc « naturellement » qu’on le retrouve dans la langue qui traduit, à sa manière, le principe de la domination masculine.

Ne dit-on pas que « le masculin l’emporte » ? Et aussi pour des termes genrés ? Cette règle grammaticale, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ne va pas de soi et n’est en rien naturelle. Les dires de certains grammairiens peuvent nous éclairer quant à sa justification. Le célèbre abbé Bouhours écrit en 1675 que « lorsque les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l’emporte ». Mais Bauzée, en 1767, est plus explicite : « le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle ».

La langue est donc ce produit culturel qui depuis des siècles offre une forte visibilité au masculin, laquelle provient de décisions politiques en accord avec les académiciens, qui sont alors des hommes. Relevons, par ailleurs, que ces choix se réalisent parallèlement aux volontés de disparition des langues régionales (langues d’oïl et d’oc). Ainsi, ne sont plus usités des termes tels qu’autrice, poétesse, etc. C’est, en l’occurrence, une des causes de la difficulté pour certain-e-s de dire aujourd’hui écrivaine, directrice… alors que même le Moyen Age n’y voyait aucun inconvénient et qu’aujourd’hui on ne rencontre aucun problème à parler de puéricultrices ou d’infirmières pour des ensembles de personnes.

Des études ont mis en évidence que lorsqu’on demande de définir le sexe d’une personne signant « avocat »…, la grande majorité des personnes suppose qu’il s’agit d’un homme. Ce procédé psycholinguistique n’est, en réalité, que significatif des représentations stéréotypiques que nous nous faisons tous et toutes.

C’est pourquoi l’écriture inclusive, ou l’ensemble des attentions graphiques (orthographiques ou syntaxiques) permettant d’assurer une égalité de représentation des deux sexes, propose de mettre fin à la soi-disant neutralité du masculin.

La langue structure et construit la réalité des locuteur-trice-s mais notre réalité construit et structure également la langue. Celle-ci participe de l’intériorisation et de la perpétuation des inégalités ainsi que des clichés. Il est dès lors impossible d’attendre que la société change et que la langue suive d’elle-même. Il nous revient de saisir cette double influence afin de proposer une réalité et une langue non discriminantes de sorte qu’elles s’influencent dialectiquement.

Puisque l’idéologie est aussi à l’œuvre dans la langue, il est nécessaire de mettre fin à l’exception du féminin. C’est l’humanité qui doit l’emporter. Et elle n’est pas constituée que d’hommes avec, par accident, quelques femmes.

Il s’agit alors de considérer la langue comme un levier de combat contre les discriminations entre les sexes. Cet outil de lutte, lui aussi politique, est un instrument et un lieu d’influence qui permet de s’engager contre le sexisme. L’objectif est de mettre fin à l’invisibilisation des femmes dans la langue, comme dans la société, où sont représentés une majorité d’hommes mais aussi de reconnaitre la place de ces hommes dans certains rôles le plus souvent associés à des femmes.

L’écriture inclusive se situe donc dans la continuité des actions déjà réalisées pour l’égalité entre les personnes. La refuser revient à récuser l’implication et l’engagement pour la non-discrimination et équivaut à l’acceptation de valeurs sexistes et machistes.

Pour celles et ceux pour qui la pratique parait compliquée, les institutions publiques francophones proposent des guides de communication sans stéréotypes genrés. Si l’écriture inclusive peut sembler compliquée, c’est parce qu’elle est nouvelle et non enseignée. Elle n’est qu’une question d’habitude.

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Maëlle De Brouwer