Le travail de psychologue en milieu pénitentiaire a un statut ambigu.
En effet, si le psychologue est souvent formé à l’art de la thérapeutique, dans le contexte de l’évaluation d’une personne détenue, il lui est parfois demandé de rendre un avis qui peut avoir des effets difficiles à supporter pour l’individu. Certains profils de détenus rendent l’exercice de l’évaluation particulièrement difficile.
Si un détenu demande à pouvoir bénéficier de permissions de sortie, mais que son évaluation clinique souligne des fragilités psychosociales importantes, le psychologue pénitentiaire se doit d’en rendre compte – ce qui pourra éventuellement conduire au rejet de sa demande. Évidemment, le travail du psychologue n’en reste pas là : il vise à travailler sur ces fragilités et à proposer aux personnes des pistes et un encadrement psychosocial afin d’améliorer leur situation sociale et/ou de les aider à se stabiliser psychiquement.
Le cas particulier des détenus toxicomanes
Cependant, un cas particulier de détenus pose question : c’est celui de l’évaluation des détenus toxicomanes. Cette difficulté est liée à un des traits essentiels de ces individus emprisonnés : ils sont (le plus souvent) à la fois auteurs d’infractions et victimes ! Ce double statut rend dès lors assez complexe, et probablement peu efficace, le travail « classique » autour de la logique de responsabilisation des auteurs d’infractions pénales.
Dans leurs commentaires sur la politique en matière de stupéfiants, De Ruyder et Vander Laenen cernent d’ailleurs bien le problème en soulignant « [qu’] en matière de drogue, il y a quelque chose de l’ordre d’une ambivalence humaine que le modèle de justice en cours n’arrive pas à prendre en compte dès lors que l’auteur est également la victime ».
De cette situation, il est donc nécessaire qu’une véritable réflexion émerge sur la politique en matière de stupéfiants et, si la note de politique du gouvernement en matière de drogue (janvier 2001) définit l’abus de drogue comme « un problème de santé publique », il faudrait qu’un maximum de moyens soit alloué à l’aide des personnes dépendantes en amont de la prise en charge par la justice pénale (et, a fortiori, par la prison).
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Karim El Khmilchi, attaché psychologue à la prison de Saint-Gilles
Référence :
• DE RUYDER B., VANDER LAENEN FR.,
« Commentaire critique du rapport de scène consacré aux transformations de la politique des poursuites en matière de stupéfiants », 2004.
Cité dans l’ouvrage collectif,
« Aux frontières de la justice, aux marges de la société »,
DE CONINCK, F. et coll., Gent, Academia Press, 2005 (page 127).