Mobilité, vers la fin de l’égoïsme ?

Ma voiture, ma liberté. Voilà le leitmotiv des compagnies automobiles depuis les années 70. La possession d’un véhicule serait le graal en matière de mobilité et même lorsque l’industrie travaille sur des concepts de voitures partagées autonomes, elle arrive encore à proposer un véhicule solo pour remplacer l’avion !

Aujourd’hui, le message publicitaire pour la Volvo 360c, c’est : « Et si voyager par la route devenait plus pratique que de prendre l’avion ? »

La voiture personnelle semblait encore dans les années 70 un rêve accessible à tou·te·s pour se déplacer efficacement. Depuis 1945, la place accordée à la voiture est pourtant responsable de nombreux problèmes sociétaux actuels : étalement urbain, villes dortoirs, perte de qualité de vie, temps de déplacements élevés, mauvaise qualité de l’air, pollution sonore… La voiture accapare aussi l’espace public (jusqu’à 70% de l’espace urbain !) au détriment d’autres activités sociales, culturelles, de logements ou simplement d’espaces naturels (permettant notamment l’infiltration des pluies…).

Malgré cela, le nombre de véhicules (900.000 en 2005, 1,4 milliard en 2020, 3 milliards attendus pour 2050), leurs poids et dimensions sont en augmentation constante.

Aujourd’hui, la voiture est non seulement impayable pour de plus en plus de gens, mais les bouchons nous coûtent également 4 milliards tous les ans en Belgique. Sans parler du fait qu’en ville, le vélo est plus rapide pour les trajets de moins de 5km. Pourtant 59% des trajets de 2 à 5 km sont effectués en voiture (Monitor, 2019). Pire, nos voitures restent 95% du temps à l’arrêt !

Et si on arrêtait de se faire avoir par la publicité automobile ?

Face aux milliards d’€ investis pour faire la promotion de l’automobile (4,3 milliards d’€ par an en France), depuis quelques années, le principe de Mobility as a Service (MaaS) entre petit à petit dans les mœurs. Son principe est de se rendre d’un point A à un point B, voire de faire venir un service à soi (courses, services publics, loisirs, travail…). La possession du véhicule n’a plus d’importance.

Si les transports publics s’y mettent assez lentement (Mobib combine différents moyens de transport, abonnement flex de la SNCB facilitant le télétravail, City pass de Charleroi…), de nombreuses entreprises privées s’y engouffrent. Des sociétés comme Uber jouent un grand rôle dans le changement d’habitudes, principalement chez les jeunes : « 64% des convertis à Uber assurent que cela les a amenés à changer de comportement » (Le Monde 2015). On peut toutefois regretter le modèle social qui se cache derrière Uber mais d’autres services associatifs ou coopératifs existent. Cambio a fêté son 50.000e client récemment. Cozywheels facilite le partage de véhicules entre voisin·es (privé·es, entreprises, communes/CPAS). Carpool et BlaBlaCar – avec un but beaucoup plus économique – rendent le covoiturage efficace. Mobitwin travaille avec des conducteur·trice·s bénévoles pour véhiculer les moins mobiles…

Au niveau politique, de premières avancées se font en matière de multi-/intermodalité : 8 vélos minimum par voiture dans les trains, introduction des mobipôles/mobipoints dans la Stratégie Régionale de Mobilité… Mais les mentalités évoluent trop lentement. Cette évolution n’est nullement aidée par les avantages fiscaux sur les voitures de société, le parking auto encore surabondant… 45% des belges ne voient aucun avantage à la multimodalité (Febiac – Indiville, 2019) malgré toutes les preuves accumulées…

Pourtant, c’est évident, l’avenir est aux véhicules partagés et à la multimodalité

Aux véhicules électriques aussi. Sur un cycle de vie complet, une voiture électrique émet de 22% à 81% de TeqCO2 (électricité décarbonée ou non) de moins qu’un véhicule thermique en Europe (Transport et Environnement). De plus, un moteur électrique peut parcourir plus d’un million de km (une Tesla l’a déjà fait). En tenant compte de ces données, il est évident que la voiture électrique partagée a de l’avenir. Elle doit toutefois s’intégrer dans le principe STOP (Stappers, Trappers, Openbaar vervoer, Privé vervoer) qui donne priorité dans les infrastructures – mais aussi dans les comportements – aux piéton·nes, puis aux vélos, aux transports en commun, partagés et collectifs et seulement en dernier recours aux véhicules privés.

Michaël Horevoets, Conseiller en mobilité et Project Manager en mobilité partagée