TZCLD, Territoires Zéro Chômeur de Longue Durée

Et si l’on revoyait la notion de travail ? Le 29 février 2016, sous l’impulsion d’ADT Quart-Monde, la France vote à l’unanimité à l’Assemblée nationale et au Sénat une loi d’expérimentation « territoriale visant à résorber le chômage de longue durée ».

Depuis 2003, une « loi d’expérimentation » permet de tester sur des micro-territoires un principe qui transgresse les normes habituelles avant de réfléchir à son potentiel élargissement à la France entière. En résumé, cette loi permet de réorienter l’argent public pour financer des emplois plutôt que des aides sociales bien insuffisantes à une vie digne (le RSA tourne vers 550€/mois) et des coûts induits par la pauvreté.

L’objectif est que les bénéfices liés à la création d’emplois soient supérieurs aux surcoûts entre le RSA et un bas salaire (vers 1520€ brut). Les bénéfices espérés sont économiques : création de richesses par les entreprises, impôts sur ces emplois, diminution des dépenses liées à la précarité, dépenses dans l’économie réelle effectués par les travailleur·euse‧s… mais pas que : réduction de la criminalité, amélioration de l’accès aux soins de santé, augmentation de la confiance en soi des travailleurs·euse·s… Pas étonnant que la loi ait séduit de la gauche à la droite puisque chacun·e trouvera dans cette expérience un élément auquel il/elle sera sensible.

L’expérience a d’abord consisté à mettre en place sur 10 territoires des Entreprises à But d’Emploi (EBE) relevant de l’économie sociale et solidaire.

Elle se base sur 3 principes fondamentaux :

Personne n’est inemployable
• Lorsque l’emploi est adapté aux capacités et aux compétences des personnes.

Ce n’est pas le travail qui manque
• Un grand nombre de travaux utiles, d’une grande diversité, restent à réaliser.

Ce n’est pas l’argent qui manque
• La privation d’emploi coûte plus cher que la production d’emploi.

Dans ce cadre, ce n’est pas la personne « inoccupée » qui doit correspondre à une offre émise sur le marché de l’emploi mais bien un job « à valeur sociétale ajoutée » qui est créé en fonction des compétences de celle-ci et de ses aspirations. Tous les emplois sont en CDI et à temps choisi par le/la travailleur·euse. De plus, le travail doit permettre d’acquérir de nouvelles compétences. Tout cela est très bien détaillé sur https://www.tzcld.fr/.

Si quelques inquiétudes pourraient être émises par rapport au projet, elles sont vite levées. Par exemple, il est interdit aux EBE de faire concurrence aux emplois déjà existants sur le territoire. On recherche donc une complémentarité entre le travail de chacun·e.

Vous l’aurez compris, on est très loin du ridicule slogan prônant que les chômeur·euse·s devraient « bosser bénévolement » s’iels veulent toucher leurs allocations. Au contraire, l’expérience TZCLD a la vertu de remettre en cause le marché du travail tel qu’il est, et plus largement notre modèle économique. En affirmant que ce n’est pas le travail qui manque, l’expérience dénonce que le marché du travail actuel ne remplit pas nos besoins ou nos aspirations profondes. Jugeant que ces besoins ne créent pas assez d’argent que pour être « rentable », le monde économique délaisse tout un pan de savoir-faire et d’activités. En partant de ce constat, le chômage de masse est la responsabilité de notre modèle économique qui consiste à enrichir l’actionnariat coûte que coûte, y compris en remplaçant l’humain·e par la machine et en poussant à une consommation effrénée de ressources pourtant limitées. TZCLD contrebalance actuellement cette dérive en proposant de reconquérir tous les services à la communauté qui ont été délaissés. Voici quelques domaines dans lesquels les EBE se sont orientées : ressourceries, maraîchage bio, épiceries sociales, encadrement périscolaire, transport de personnes…

Et si demain, l’économie réelle reprenait le pas sur l’actionnariat ?

Si la valeur sociétale de notre activité était le futur moteur du marché du travail ? On en est encore loin mais les valeurs défendues par cette expérience sont certainement une première étape vers une remise en question de la notion de travail ! Si en Belgique, nos élu·e·s réfléchissent à initier la même démarche, en France, on est déjà l’étape d’après : la loi du 14 décembre 2020 passe de 10 territoires expérimentaux autorisés à 60. Actuellement, la société civile y demande déjà un emploi vert pour tou·te·s.

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Michaël Horevoets, Conseiller de l’Action Sociale à Viroinval